Friday, January 4, 2008

Semaine 20 : le chant des siècles.

« Bonjour à tous,

Il est minuit moins dix et je suis ici mercredi soir. Mon lit m’appelle. Il hurle dans la nuit silencieuse. Je l’envoie paître. Pour sauver mes aventures, je me laisse une fois encore porter par les mots et leur force narrative.

J’ai beau me rappeler vous avoir dit que le Petit Jésus avait été prématuré cette année, je ne sais plus très bien où j’en étais resté. Peu importe. Si mon Noël 2007 n’aura pas eu la couleur habituelle, il aura été beau. Étrangement calme aussi. Mardi soir à Kompong Cham, la lune était pleine. Elle était belle. J’ai dîné avec Sokhim, les cuisinières et leurs enfants. Et j’ai aimé ce réveillon, loin des artifices. Je l’ai aimé : il n’avait rien d’un réveillon. Pour marquer le coup, faillant tout gâcher, j’ai distribué quelques cadeaux, avant d’aller voir le reflet de la lune dans le Mékong et de cracher au passage un Merry Christmas à l’Anglais qui tient un pub en front de fleuve.

Mercredi 25, jour de Noël, cours d’Anglais à Phum Thmey, avec une chanson de circonstance et pour mes élèves un petit cadeau pour les remercier. Chaque jour, je les remercie d’être ma cure de jouvence. Je les remercie d’être mon étoile du berger. De me montrer ce chemin sur lequel je me sens un peu mieux chaque jour.

Jeudi 26, dans l’après-midi, l'ami Dimitri est arrivé de sa province voisine, et nous voilà partis visiter l’île en face de Kompong Cham. Comme chaque année à la saison sèche, ce drôle de navire est amarré à la ville par un pont de bambou épatant, démonté à la saison des pluies. Avec ses airs de Mongolie et ses champs qui rappellent la Beauce, l’île donne cette impression étrange d’être ailleurs.


Dans les steppes insulaires.



Vendredi matin, départ en bus pour Siem Reap, la ville jouxtant Angkor, à 350 km au nord-ouest de Kompong Cham. Panique : sur la route, des chiées d’autocars remplis de touristes ne nous annoncent rien qui vaille. Une halte forcée dans un bouiboui de bord de route hors de prix aura failli nous achevés. Voir tous ces ventripotents se précipiter sur tout ce qui se vend est assez déconcertant. Advienne que pourra, nous poursuivons notre route. Siem Reap, id est « Siamois vaincus », est une ville agréable, au bord d’une petite rivière et aux infrastructures touristiques hypertrophiées.

La rivière à Siem Reap.



Siem Reap : le centre-ville.



Le centre, à l’architecture coloniale très marquée, est bourré d’hôtels guindés et de bars branchés. Bref. C’est décidé : nous louerons un vélo pour nous déplacer et échapper ainsi à tous ces « Sir ! Sir ! Touk-touk ? » qui prennent la tête, qu’on se le dise. Du coup, après un passage trop long sur Internet (et vous saurez bientôt pourquoi), nous décidons d’aller voir le soleil se coucher dans le Tonlé Sap, le lac immense, sorte de mer intérieure, qui se remplit puis se vide chaque année avec les eaux du Mékong et dont j’ai déjà parlé. Ceci dit, je viens de le dire, nous sommes restés trop longtemps sur Internet. Du coup, le temps d’avaler les sept kilomètres qui séparent la ville du lac, nous arrivons là-bas à la nuit noire. Mais ça ne fait rien. Bien au contraire. Tous les touristes se sont barrés, et nous nous mettons à faire les troubadours dans le village étalé de part et d’autre d’une sorte de digue qui s’enfonce dans la nuit. Nous chantons sous les yeux étonnés des villageois qui vivent ici dans des conditions plutôt spartiates. Sur la route du retour, une guinguette endormie nous tend les bras. Nous nous avachissons dans des hamacs et y buvons quelques binouzes. Ô que c’est simple quand on y pense ! Bref. Il est l’heure de repartir, retrouver Siem Reap et ses vacanciers en escale. Vers minuit, nous nous trouvons une guest house où un vieux lourd éméché nous offre à boire de l’infâme alcool de riz. Au dodo : le nuit sera courte.

Samedi matin : lever 5 h, direction Angkor. 6 km de vélo dans la nuit finissante, le long d’une route luxueuse, déjà presque bondée : bus, touk-touks et autres taxis foncent vers Angkor. C’est vraiment pas terrible. Enfin bref. Après un passage au péage digne de Saint-Arnoult où le dollar est plus cher que partout ailleurs, nous arrivons à Angkor Vat, le grand temple d’Angkor. Rassurez-vous, je ne vous ferai ni l’historique d’Angkor (dont je ne sais d’ailleurs à peu près rien) ni la longue liste des rois qui l’ont bâtie, de Jayarvaman II qui régna de 802 à 850 pour le plus premier, à Jayavarman Paramesvara qui régna au milieu du XIVe siècle pour le dernier. Quoiqu’il en soit, sachez qu’Angkor Vat doit être un des sites unesciens où les touristes arrivent le plus tôt. Dès six heures moins dix, des troupeaux entiers de bipèdes appareillés attendent l'astre du jour. Affolés, nous nous sommes engouffrés dans le temple lui-même, alors que tous attendaient, au loin, de voir Monsieur Soleil s’étirer sur ce spectre de pierres vieux de près de 900 ans. Dans ces antres de grès et de latérite, la magie du lieu a repris sa place. Le temple pour nous seuls. Sous les derniers rayons de lune, la pierre grisonnante nous a donné tout ce qu’elle avait : le poids de âges, le silence, et la mélancolie. Angkor a ça dans le bide : abandonnée après son apogée, elle s’est laissée envahir par le temps, loin des Hommes et de leur vaine volonté. Éparpillés sur un territoire de plusieurs milliers d’hectares, les temples d’Angkor (Angkor Vat n’en est que le plus connu) ont l’air d’avoir fait bon ménage avec les siècles. Ils se sont embellis même, et les fromagers eux-mêmes n’ont pas résisté à leur charme. Au plus près, ils les enlacent, glissant leurs racines dans leurs formes affriolantes.

Sous toutes les coutures, dans les ruines angkoriennes.























Un palmier angkorien.



Dans le ventre d'un fromager.



À vélo, on profite autrement du lieu. On s’enfonce dans la jungle à son gré. Le Lonely Planet a beau dire que faire Angkor en une journée est un sacrilège, je conseillerais bien à tous de faire comme nous : se laisser porter par le site plutôt que par les guides, ne fût-ce qu’une journée, est délicieux. Redécouverte en 1860, Angkor n’a pas depuis livré tous ses secrets. Dans ces conditions, on ne me fera pas croire que trois jours suffiront à des touristes ignares pour digérer le site. Et si la baignade dans le Srah Srang et la sieste à l’ombre du Banteay Kdey sont des sacrilèges, alors vive les sacrilèges !

Baignade.



À trois heures de l’après-midi, c’en est assez. Nous voilà sur le retour, via la route de l’aéroport, bordée de lampadaires dernier cri. Assoiffés, nous nous attablons dans une gargote où l’on ne tarde pas à nous proposer filles et autre fumerie. « Les Cambodgiens sont absolument charmants ». Le soir, nous nous posons dans un bar d’Occidentaux, avant d’aller faire dodo dans une guest house: demain, départ pour Phnom Penh.
[temps qui passe]


Bon cette fois-ci, il est 23h20, et nous sommes jeudi soir. Je reprends donc où j’en étais resté hier. Dimanche, Madame Penh nous reçoit une fois encore comme des princes. Un petit tour au Sorya, le centre commercial hypermoderne, l’histoire de se mettre quelque chose sous la dent et de grimper à son dernier étage pour y voir la ville de haut. D’ici, le Psar Thmey est encore plus délirant.

Le Psar Thmey de haut.



Nous voilà bientôt de retour à la maison des coopérants, où nous retrouvons notre bon Charles, séminariste à Issy-les-Moulineaux et resté seul ce week-end. Pas pour longtemps. Voilà Antoine qui débarque avec toute sa famille, venue passer quelques jours au Cambodge. Après une visite à la maison des PIME (Pontificio Istituto Missioni Estere) et une incruste chez Rémi et Marie, direction les quais du Tonlé Sap et sa vie nocturne.

Lundi matin : visite du Vat Ounalom, le siège du patriarcat bouddhiste du Cambodge, à deux pas du Palais Royal, et où est conservé un cil du Bouddha. Nous nous y faisons ouvrir une porte conduisant à la précieuse relique dont on ne voit en fait rien : une statue du Bouddha a été coulée autour. L’achar (sorte de gardien du temple) ne tarde pas à venir nous asperger d’eau bénite et à nous gratter le creux de la main en psalmodiant je ne sais quoi. Une vraie expérience, aussi transite fût-elle.

La statue-reliquaire du cil du Bouddha.



Pour enterrer 2007, réveillon au foie gras avec la famille d’Antoine et deux amies khmères à la maison des coopérants. Pour le passage à 2008, une descente de volontaires MEP s’opère au Elsewhere, un repère de noctambules à l’allure de villa d’expat’, avec jardin, piscine et tout le tralala. Three. Two. One. Happy new year ; puis passage sur les quais du Tonlé Sap.

Le lendemain, 2008 me fout un léger coup de blues. Mais puisqu’il faut se prêter au jeu tourmentant des voeux, je vous souhaite à tous justice, tempérance, prudence, et force pour cette année, qui n’est jamais que la dernière de la prochaine. »

Avec Dimitri.




J’arrête là mes élucubrations, de peur de m’y perdre.
La pensée de la semaine : "Les enfants doivent être indulgents envers les grandes personnes", Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince. »

2 comments:

huguy said...

salut le Cambodgien
tout d'abord tous mes voeux et une tres bonne et heureuse année 2008..bravo pour tout ce que tu fais...ca fait vraiment plaisir de pouvoir te suivre grace a tes mémoires et a tes excellentes photos...bon je te souhaite de nouveau une tres bonne année vraiment et bonne continuation dans tes aventures cambodgiennes..salut amical du francais au franco-cambodgien...

huguy

XV A said...

Salut Louis

C'est un peu tard pour ce post puisque tu dois être sur le retour.

Ton Projet cambodgien me fait peur; j' aurais été incapable de te suivre !
Tu me contactes ici puisque je n'ai plus ton numéro

XA