Saturday, September 22, 2007

Semaine 6 : suivre la ligne blanche.

Mesdames Messieurs bonsoâââââr. Bienvenue sur louis-cambodge, le blog qui vous tient informés d’un crapahutage cambodgien. Comme chaque semaine, Louis, en direct de Kompong Cham, vous raconte ses aventures au royaume khmer, et en profite pour vous présenter le pays, son histoire, ses moeurs, et ses habitants. Aujourd’hui, dans sa célèbre chronique hebdomadaire (ndlr : on y croit presque), votre humble serviteur (bis repetita) fait le récit de sa sixième semaine passée à l’autre bout du monde :


« Euh oui. Donc. "Sixième semaine" disiez-vous, mais permettez-moi d’abord de revenir sur ma chronique précédente, et de raconter à notre cher auditoire mon retour d’Oreang Ou que je racontais trop brièvement la semaine passée. En effet, ce trajet en moto, "sous des hallebardes" comme je disais dans ma précédente chronique, a été quelque peu distrayant, pour le commun des mortels que je suis. Et pour cause : je vous rappelle le contexte : 1) sur une première moto : deux compères cambodgiens. 2) sur une seconde moto : moi. Au retour donc, disais-je, l'aventure a commencé. Partis vers 17h50 d’Oureang Ou (soit à dix minutes de la nuit noire), nous n’étions pas partis depuis trois minutes que la pluie (qui ne devait pas s’arrêter jusqu’à notre arrivée à Kompong Cham) s’est mise à tomber à torrents. Lorsque la nuit est arrivée, le mélange pluie+obscurité n’a pas été pour nous aider. Résultat: mes lunettes pleines de flotte m'empêchaient de voir (c'est le comble), alors que les deux compères fonçaient à toute allure, poussés par la peur d'être attaqués par des bandits de grands chemins, qui, parait-il, sévissent dans les plantations d'hévéas que nous étions justement en train de traverser. Cependant, ils ne m'avaient rien dit. Et comme je n'y voyais vraiment rien et que j'avais peur de me prendre le bas coté de la route, je me suis arrêté, seul dans le noir, sous des trombes d’eau. Eux continuaient d'avancer sans m'attendre, le feu arrière de leur moto disparaissant peu à peu dans le lointain de la nuit. Le truc, c'est que quand on ne roule pas, et ben les phares s'arrêtent. Résultat pour ma pomme : solitude solitaire dans un noir total. Heureusement (je dis « heureusement », mais sur le moment je trouvais la situation plus cocasse qu'autre chose : moi, seul dans la pampa cambodgienne. Trop bieeeeeeen), les compères ont fini par revenir au bout de cinq minutes affolés à l'idée que j'eusse été kidnappé. Bref. Plus de peur que de mal. Sur ce, mon confrère de la seconde moto m'a donné son truc: fixer des yeux la ligne blanche du bas-côté de la route (péniblement éclairée par les phares) et foncer. Certes, mais comment on fait quand on n'voit rien ou qu'y a pas d'ligne? Verdict : on fonce quand même.... pour l’anecdote : nous nous sommes fait doubler par une moto sans phare, avec quatre passagers. Qui sont les tarés dans l’affaire ?


Enfin voila donc pour la cinquième semaine je crois. Passons comme vous l’annonciez à l’instant à ma sixième semaine dont il faut retenir qu’elle a été assez agitée. Lundi tout d’abord. Comme je vous l’avais annoncé dans ma chronique précédente, il s’agissait d’aller inaugurer une crèche dans un village de la province. Le village en question était Tmoh Peth, situé à une petite trentaine de kilomètres de Kompong Cham, au-delà du Mékong. Nous y sommes allés en voiture. Le village est situé en bout de piste, bien souvent cabossée, au nord de la plus grande plantation d’hévéas du pays : la plantation Chup. Là, l’inauguration en grande pompe de ce centre catholique réunissait une petite foule. Le gouverneur du district assis à coté des prêtres orchestrant le projet, un spectacle de danse traditionnelle (sur de la musique crachée là encore par un mur d’enceintes impressionnant), un portrait du pape et du roi Sihamoni côte à côte, des drapeaux du Vatican et du Cambodge réunis : autant d’indices qui nous montrent que l’Eglise et le Royaume du Cambodge entretiennent aujourd’hui de cordiales relations (les deux pays ont renoué leurs relations diplomatiques en 1994). Le tout s’est terminé sur un repas copieux, offerts à la centaine de convives. Pour le retour, un certain Ta Pen, qui garde l’évêché la nuit, m’a proposé de rentrer avec lui en moto. Ta Pen, qui parle à peu près Français, a travaillé près de trente ans dans l’usine Chup. Aussi nous-sommes nous arrêtés pour visiter le site.

Avec plus de 20000 hectares (capacité maximale de 550 arbres par hectare : l’hévéaculture obéit à des règles très strictes), la plantation Chup, disais-je, est la plus grande de tout le pays. L’ensemble, immense, forme une sorte d’hacienda, avec ses maisons ouvrières, la maison du directeur, certainement très belle, mais cachée derrière ses murs, son hôpital, ses pistes, etc. Jusqu’à 4250 ouvriers se partagent leur temps pour récolter le latex retenu dans chacun des petits pots accrochés à chacun de arbres, et dont je vous parlais déjà la semaine dernière (pour un complément d’informations sur les conditions de travail des ouvriers, lire ici). La saignée est en spirale, tout autour du tronc, afin de faire couler le latex, un peu comme sur un pas de vis. Celui-ci, après un premier transvasement dans un seau, est versé dans un camion citerne qui rejoint l’usine assez rapidement, pour de ne pas laisser au latex le temps de coaguler sur place. L’usine Chup remonte, je crois, aux années vingt. En réalité, sur place et en apparence, hormis le travail vieillissant du temps, rien ne semble avoir vraiment changé depuis le départ des Français (d’ailleurs, si il y a un directeur local, j’ai crû comprendre que c’est encore un Français qui gère plus ou moins tout ça depuis Paris) et, quelque part, le site respire la nostalgie. Les camions datent apparemment des années 50, un bus qui devait autrefois servir à transporter les ouvriers attend aujourd’hui que la rouille finisse de le disséquer, la pompe à carburant interne remonte certainement à l’administration française, et les installations de l’usine elle-même ne sont sans aucun doute pas beaucoup plus récentes. Ne voit-on pas çà et là des plaques Pont-À-Mousson ? Bref. En quelques mots, la fabrication du caoutchouc, c’est d’abord une première coagulation du latex dans des sortes de petites piscines, puis c’est le passage dans une sorte de blanchisseuse ; vient ensuite une seconde coagulation dans une sorte de bassin tout en longueur. La grande bande de latex caoutchouteux ainsi obtenue est passée dans un rouleau qui écrase et qui chauffe le latex coagulé, faisant jaunir le tout, qui devient du caoutchouc. Je vous épargne les détails, mais à la fin, ça sort en cube de trente-trois kilos, ça sent la balle rebondissante de notre enfance, et c’est emballé dans des caisses de bois qui contiennent chacune 1200 kg de caoutchouc. En période creuse comme ça l’est actuellement, l’usine produit 20 tonnes par jour, vendues à l’étranger. Cette visite est très intéressante, et je conseille à nos auditeurs de passage dans la région de faire un détour par l’usine Chup.


Bref. Passons à mardi. Mardi donc, comme je vous l’avais également annoncé la semaine dernière, nous sommes partis à Sihanouk Ville, située à 230 km au sud-ouest de Phnom Penh, sur le Golfe de Thaïlande. Apres avoir traversé le Mékong en ferry local, sorte de barge qui ferait tomber en apoplexie nos technocrates bruxellois, nous avons emprunté la RN4 qui mène à la première station balnéaire du pays. La route, financée par les Américains, traverse le sud-est des Cardamomes, le massif montagneux le plus important du pays, dont le Mont Aural et ses 1771 mètres est le point culminant. Traversées par quelques rares routes, les Cardamomes sont une véritable jungle, refuge des (presque) derniers tigres, éléphants, léopards, et ours sauvages du Cambodge. Le paysage est magnifique, percé par quelques cascades impressionnantes. A coté, la région de Kompong Cham, plate à perte de vue, fait figure de Belgique brelienne, La ville de Sihanouk elle-même, a surgi de la jungle à la fin des années 50, sur le projet du roi éponyme d’en faire le premier et unique port en eaux profondes du pays. La RN4 facilita alors son explosion touristique. Rebaptisée Kompong Som à la chute du roi en 1970, elle a recouvré son ancien nom en 1993 (néanmoins, les deux noms coexistent). Ainsi, nous sommes arrivés à Sihanouk après avoir roulé à peu près toute la journée. Je dis « nous », parce que nous étions tout un groupe venu de tous les coins du pays pour une grande réunion de la Société Saint-Vincent-de-Paul, formant ainsi un véritable convoi. Nous étions logés à la « catholic Church » qui possède un vaste terrain sur les hauteurs de la ville, parsemé de nombreux bâtiments. Malgré l’heure tardive de notre arrivée, nous avons eu le temps d’aller faire un saut à la plage, au sable blanc et bordée d’arbres et de paillotes. Là, nous nous sommes goinfrés des calamars grillés, spécialités locales préparées et vendues à même la plage par quelques gagne-misère de toute sorte. Assurément, la baignade facilita la digestion. Le soir, la réunion SSVP, rassemblant une bonne centaine de membres dans une sorte de théâtre, était très bien organisée. Les conférences de tout le pays étaient présentées une à une, et en tant que membre de la Conférence Saint-Lazare (paroisse St-André-de-L’Europe, Paris 8e), j’ai eu droit de monter sur la scène pour y dire quelques mots à l'assistance (en Khmer...).
Mercredi : journée partagée entre réunion SSVP et plage, où nous sommes allés en voiture. Dix sur le toit, une vingtaine à l’intérieur. Qui dit mieux.
Jeudi, comme annoncé, retour en bus à Kompong Cham, via Phnom Penh, et un saut au Sorya, un centre commercial à l’occidental qui jure avec son environnement immédiat (le marché central). Et voila. Ma semaine s’achève à Kompong Cham, dans la sérénité du lieu. Je n’irai à Phnom Penh que le week-end prochain, et cette fois-ci, j’irai. Que vous dire de plus chers auditeurs que bonne semaine ? Pas grand chose très certainement. Je vais maintenant rendre l’antenne, et profite de ces derniers instants pour vous redire toute mon affection. A la semaine prochaine, et portez-vous bien. »

« Ah oui c’est vrai, pardon, j’oubliais la pensée de la semaine : "Pour se nourrir, les Japonais mangent du riz sans blanquette! J'en ris encore." (Pierre Desproges, dans Les Etrangers sont nuls)... »

1 comment:

Mathieu de Taillac said...

1. Merci de tes nouvelles, je te lis régulièrement.

2. Je t'écris très vite, mais je veux le faire bien.

3. Je t'en supplie, fais des paragraphes !