Saturday, August 25, 2007

Semaine 2 : saucissonnage.

Courte semaine. Lundi, je suis allé m´enregistrer à l´ambassade de France, dont je dois vous dire quelques mots, tant son histoire récente est liée à celle du Cambodge. Ceux qui ont vu le film La déchirure sauront de quoi je parle. Et pour cause: après que les Khmers Rouges avaient pris Phnom Penh le 17 avril 1975, l´ambassade de France servit de refuge à bon nombre d´occidentaux, priés de quitter le pays. Par la même occasion, de nombreux Cambodgiens, intellectuels et dignitaires notamment, y furent également accueillis, dans l´espoir d´être évacués vers la France. Il n´en fut rien. Prises au piège et impuissantes, les autorités françaises durent livrer aux Khmers Rouges les ressortissants cambodgiens, les envoyant pour la plupart à l´abattoir. Aujourd´hui, l´ambassade de France est un véritable bunker, cerné de murs de plusieurs mètres de haut. Dans le parc, l´on y voit encore un battant du portail qui fermait l´ancienne ambassade, et sous lequel il est écrit ces mots tragiques: "Du 17 avril au 26 mai 1975, cette grille du portail qui clôturait l´ambassade de France au Cambodge s´est ouverte puis refermée sur une douleur indicible et sur la mort de millions de Khmers".
Cette semaine vite avalée m´autorise à vous raconter un peu la vie quotidienne au Cambodge. L´économie locale, en grande partie (pour ne pas dire totalement) bouffée par la corruption, s´apparente, pour une immense partie du peuple, à une économie de subsistance, dans laquelle les gagne-misère tentent par tous les moyens de se faire une place. S´il faut environ 4000 riels pour un dollar, la devise américaine a inondé le pays, assurant ainsi une certaine stabilité monétaire et limitant par la-même l´inflation.
Remontant un peu dans le temps. A la fin de l´occupation vietnamienne (1989), l´ONU s´est installée, faisant couler les dollars à flots, et alimentant bien souvent des réseaux loin d´être irréprochables. Les fonctionnaires de l´ONU, en plus de leur salaire, avaient droit à 150 USD d´argent de poche par jour, que certains n'hésitaient pas à dépenser ailleurs qu´au marché central. Si vous voyez c´que j´veux dire.
Un ouvrier bien payé gagne ici-bas entre 2 et 3 dollars par jour. Beaucoup gagnent moins. Peu gagnent plus. Les flics, souspayés, voyant leurs supérieurs détourner l´argent à leur gré, fixent les amendes un peu à la tête du client, et arrondissent ainsi leurs fins de mois sans scrupules. Exemple parmi d´autres. Mais ne croyons pas néanmoins qu´un Cambodgien intègre n´existe pas.
Phnom Penh n´est pas vraiment représentatif du Cambodge. Symbole du capitalisme, elle fut entièrement vidée par les Khmers Rouges au lendemain de la prise de la ville. Victime de l´archanement de Pol Pot et de sa bande à vouloir faire table rase du passé, elle conserve peu de choses de l´avant 1975, et notamment de l´administration française. Anecdote : si la cathédrale (en béton style art-déco tardif) a bien été rasée, l´ancien évêché a échappé aux fureurs du régime, et a été reconverti depuis en hôtel de ville, dont la balustrade est toujours ornée de croix. A Phnom Penh, l'occidentalisation, pas à pas, fait son chemin. Ailleurs, le Cambodge est une immense rizière, où l´on découvre le vrai visage du pays. Les gens y vivent au contact de la terre qui les nourrit, encore assez épargnée par la modernité. Affaire à suivre.
Voilà pour l´heure. A Phnom Pemh ce week-end une fois encore (hier, nous avions la messe mensuelle des coopérants), je m´en retourne demain à Kompong Cham, pour ma dernière semaine avec Jean-Philippe, l´autre (et seul autre) coopérant français du lieu, et qui rentre en France la semaine prochaine... Grand moment de solitude en perspective, d´autant plus que Mgr Sasajrai (qui parle Français) est parti il y a quelques jours pour Paris, avant de rejoindre Rome où il doit être reçu par Benoît XVI. Quant a mon crottin dévoré par les vers, je l´ai compensé cette semaine en ouvrant mon saucisson, lui aussi apporté de France...

1 comment:

J e said...

Je t'imagine mastiquer religieusement ton saucisson devant le cadre dézamis, le soir avant de t'endormir... Et la comptabilité dans tout ça? Courage, plus que dix mois et quelques...
J e