Wednesday, October 15, 2008
Opération Phum Thmey : un grand succès.
Chers amis et lecteurs,
L’Opération Phum Thmey a donc pris fin ce 30 septembre 2008 après avoir emporté un vif succès. Au total, vingt dons ont permis de récolter 2070€, soit plus de 100€ en moyenne. Au nom des enfants du village de Phum Thmey à qui cette opération profitera, je prie les généreux donateurs d’agréer mes plus sincères remerciements. Confiés au P. François Hemelsdael (en charge de la paroisse de Phum Thmey), les fonds de l’ OPT sont aujourd’hui en de bonnes mains et seront à coup sûr utilisés à bon escient pour les enfants.
Ainsi donc s’achève ma coopération au Cambodge : par une opération de solidarité réussie. Puisse-t-elle être la meilleure expression de ma gratitude envers ceux qui m’ont accueilli cette année au Cambodge, et particulièrement à Kompong Cham et à Phum Thmey. Je souhaite que les fonds ainsi levés soient pour leurs destinataires un signe que je ne les oublie pas. Dans une plus large mesure, je souhaite également qu’ils soient un pont de plus entre deux mondes : un monde trop souvent laissé au bord du chemin par les mauvais Samaritains du tout croissance - le leur -, et un monde fonçant bien souvent tête baissée vers la surabondance matérialiste - le nôtre -.
Encore merci à tous ceux qui ont suivi mes aventures et/ou qui y ont participé d’une manière ou d’une autre.
À bientôt, avec toute ma reconnaissance.
Louis.
Wednesday, August 6, 2008
RAPPORT DE FIN DE MISSION
À peu de choses près, ce rapport de mission est tel que je l'ai rendu à la Guilde Européenne du Raid et aux Missions Étrangères de Paris. Il était une des clauses du contrat qui m’a lié toute cette année à ces deux organismes.
DEBUT DE MISSION
- Quelles étaient les motivations de votre départ en mission ?
1) partir ailleurs – 2) être utile pendant un an à une cause qui me tienne à cœur – 3) Trouver un substitut au service militaire.
- Quelle formation avez vous reçue avant le départ ? A t elle été utile et adaptée? Avez-vous des suggestions ?
Formation 1 : école de commerce. La formation dans les écoles de commerce, très généraliste, m’a offert de pouvoir m’adapter assez facilement dans un environnement professionnel qui ne m’était pas forcément familier.
Formation 2 : faculté d’histoire. La rigueur universitaire, absente dans les écoles de commerce, m’a beaucoup apporté ; je lui dois la persévérance dans le travail.
En ce sens, ma formation reçue avant le départ m’a été utile.
Je n’ai pas de suggestion particulière à émettre, hormis que le bon sens et la volonté sont les meilleurs alliés du travailleur.
- Comment s’est passée votre arrivée ? Avez vous eu une période de tuilage ?
Lorsque je suis arrivé, mon prédécesseur était déjà rentré en France, où j’ai pu le croiser pour qu’il me briefe sur quelques points essentiels de ma mission. Je ne me suis néanmoins pas retrouvé tout seul à mon arrivée, puisqu’un second coopérant, en poste sur place depuis 23 mois, m’a accueilli. Nous avons passé quinze jours ensemble, le temps pour lui de me montrer au mieux comment manier la barre. Il est ensuite rentré en France.
J’ai donc eu un semblant de tuilage, qui m’a été des plus précieux. Pour la suite, et j’y reviens, le bons sens et la volonté ont été mes meilleurs alliés.
- Y a t il eu un décalage avec le poste annoncé ?
Si je tiens compte du contenu de la mission tel qu’il est écrit sur mon accord de volontariat (« Assistant responsable comptable / responsable du centre de jeunes »), il y a eu, de fait, un décalage avec le poste annoncé. Sauf erreur de ma part, et jusqu’à présent, la responsabilité du centre de jeunes était réservée à la seconde année de volontariat. Je n’ai donc pas eu à assister le directeur du centre (même si je crois savoir que cela ne sera plus nécessaire par la suite). Ce trou d’activités par rapport au poste annoncé s’est soldé par la tenue de cours de langues, dont un cours de français plus ou moins régulier à l’évêché, et un cours d’anglais quotidien à Phum Thmey, un village situé à douze kilomètres en amont du Mékong. Néanmoins, le gros de ma mission revenant à toute la partie comptable, il n’y a pas eu de décalage majeur avec le poste annoncé. Naturellement, d’autres aménagements ont pu se faire sur le tas. C’est ainsi que j’ai parfois organisé des activités plus ponctuelles pour les enfants de Phum Thmey (promenades en bateau sur le Mékong, après-midi jeux, sorties culturelles, etc.).
- Commentaires :
Inquiet au départ, je rentre content d’avoir été jusqu’au bout. Ce contentement se partage la première place avec la satisfaction d’avoir été, je crois, utile pendant un an. Comme pour tout le monde, il y a eu des hauts et des bas ; comme pour tout le monde, je me suis souvent interrogé sur la finalité de mon action. Pourtant, le volontariat a ça de plus qu’il m’a fait me questionner sur l’utilité de ma mission ; souvent, je me suis demandé ce que je foutais là. Souvent, je me suis dis que cette parenthèse dans ma vie d’Occidental était un luxe que je m’offrais pour fuir un système que je ne porte pas particulièrement dans mon cœur. Parfois même, j’ai eu envie de rentrer prématurément. Mais mon année passée au service de l’Église du Cambodge qui œuvre elle-même au service des Cambodgiens m’a aidé à comprendre que le service aux autres et la simplicité sont les meilleures voies d’accès à la paix de l’âme. Et quand des questions existentielles surgissaient, avec un peu de volonté, je prenais sur moi, en veillant autant que possible à me prendre au jeu. Avec le temps, mon regard de Français sur mon environnement matériel et humain s’est adouci, au point parfois de le comprendre et de l’apprécier. En un an, j’ai appris à vivre au Cambodge, dans le cadre très communautaire de l’évêché de Kompong Cham. J’ai pris mes marques ; les visages au départ inconnus me sont devenus familiers ; mon emploi du temps s’est régularisé. Autant d’ingrédients qui m’ont pincé le cœur quand il m’a fallu quitter cette ville de la province cambodgienne et retourner en France. Puisse cette expérience toujours m’évoquer « le bon temps du volontariat ».
LA VIE SUR PLACE
- Les conditions de vie (logement/nourriture...) :
Comme je le sous-entends plus haut, je vivais à plein temps à l’évêché de Kompong Cham (qui est en fait le siège de la Préfecture apostolique du même nom, mais que nous appellerons ici « évêché » par souci de commodité – le Cambodge est divisé en trois administrations apostoliques : le Vicariat apostolique de Phnom Penh et les deux préfectures apostoliques de Battambang et de Kompong Cham). J’y vivais quotidiennment avec Mgr Antonysamy Susairaj, Préfet apostolique, le Père Gérald Vogin, curé de la paroisse et vicaire général, ainsi qu’avec les deux cuisinières et leurs enfants. À tous ces gens s’ajoutaient plus ou moins régulièrement des prêtres et des séminaristes de toutes nationalités et d’autres personnes de passage. Confortablement logé dans un bâtiment en dur, avec chambre individuelle et coin salon avec télévision câblée et réfrigérateur toujours rempli de sodas, je n’ai pas à m’en plaindre compte tenu du confort souvent spartiate de l’habitation traditionnelle khmère. Je n’ai pas eu un seul jour à me soucier de mes repas, les cuisinières œuvrant à la tâche. Vu d’ici, tout cela peut sembler bien luxueux, et certes ça l’est. N’y voyons cependant pas un superflu à la coloniale : il règne là-bas une grande simplicité, et les relations entre le personnel de maison et les hôtes ne sont jamais biaisées par quelconque rapport de force qui sont souvent ceux des dirigeants-dirigés.
- Le niveau d’hygiène (sanitaire et alimentaire) a t il été suffisant ? A t il posé des problèmes ?
J’avais ma propre salle de bain, avec savon fourni. Une des cuisinières avait aussi à charge de faire le ménage dans mon bâtiment, y compris ma chambre. La maison est équipée d’une machine à laver le linge. Le linge de maison, fourni, était régulièrement lavé. Je n’ai dans ces conditions rien à redire de l’hygiène qui m’a été réservée cette année.
- Votre intégration sur place, dans la vie-culture locale :
Pendant mes six premières semaines, j’ai eu droit à des cours de khmer, à raison de six ou sept heures par semaine. Si j’en suis sorti avec le B-A-BA local en tête, je n’ai pas mis le paquet sur l’apprentissage de la langue. J’ai ainsi eu un peu de mal au départ pour communiquer, mais le temps qui passe m’a offert de progresser peu à peu, au point de parler à peu près le khmer dans le dernier trimestre de mon volontariat. Cette connaissance du khmer n’est certainement pas étrangère au succès de mon cours d’anglais de Phum Thmey, qui brassait quotidiennement de soixante à quatre-vingt-dix élèves (ils étaient quatre-vingt-onze le dernier jour !)
Seul volontaire sur place, je n’ai pas eu d'autre choix que de m’insérer dans le quotidien de mes hôtes. Si la vie menée à l’évêché n’est de fait pas celle du commun des mortels cambodgiens, elle est pourtant bien locale. Rien à voir ici avec la vie d’un expat de Phnom Penh. Au Cambodge, plus qu’ailleurs peut-être, il y a d’un côté la capitale, de l’autre la province. À Phnom Penh, aucune difficulté pour vivre à l’occidentale. En province, c’est beaucoup plus difficile, pour ne pas dire perdu d’avance. Kompong Cham a beau être la quatrième ou cinquième ville du pays, elle n’en demeure pas moins une petite ville de province, peuplée de 40000 âmes.
S'agissant d'une éventuelle intégration dans la vie-culture locale puisque c’est l’objet de la question, je n'y prétendrai rien. En un an, et plus encore lorsque l’on sait que l’on rentrera rapidement en France, il est difficile de prétendre pouvoir digérer une culture qui n’est pas loin d’être aux antipodes de la nôtre. Plus encore que le missionnaire qui fera toute sa vie là-bas, je suis resté le « baraing » de passage, le barbare venu de l’étranger. Qu’importe : je me suis appliqué à vivre comme on me l’a proposé, et non comme je l’avais souhaité. Je reste content d’avoir été basé à Kompong Cham ; loin de la vie extravagante de Phnom Penh, Kompong Cham est un bon mix entre simplicité et consumérisme, entre tradition et modernité. Suffisamment préservée pour s’y sentir ailleurs, elle est par ailleurs suffisamment ouverte sur le monde moderne pour ne pas s’y sentir isolé (j’avais Internet dans mon bureau !).
Pour finir sur ce point, et sans vouloir prendre parti aucun, je voudrais dire un mot sur l’Église du Cambodge, qui, après des siècles de sulpicisme et un travail d’introspection qui lui a valu les fourbes de certains, est entrée récemment dans une phase d’inculturation, pour mieux respecter la culture séculaire de cette terre qui l’accueille. En ce sens, elle contribue à défendre le peuple khmer contre le risque de nivellement culturel qu’a engendré la mondialisation.
- Votre intégration sur place parmi les autres volontaires ou expatriés occidentaux :
À Kompong Cham, les expatriés se comptent sur les doigts d'une main ou presque. On les croise principalement dans l’un ou l’autre des deux pubs en front de fleuve (l’un est tenu par un Américain, l’autre par un Breton). Je ne les ai que peu vus, et n’ai pas cherché à les voir plus que ça.
Pour ce qui est de mes virées mensuelles à Phnom Penh (le dernier weekend de chaque mois), il en est tout autre chose. D’abord parce que j’y retrouvais mes compères MEP, à la maison dites « des coopérants », et que j’y croisais facilement des expatriés occidentaux. Les autres volontaires MEP, je n’ai je crois rien à en redire : le cru 2007-2008 était excellent. J’ai découvert qu’il n’y a en fait pas de profil type pour le volontaire MEP, profil dont j’avais peur d’être soit trop proche, soit trop éloigné, selon les dires. Que nenni : il y a parmi nous toute sorte de motivations et de compétences, de caractères et de « niveaux de foi ». Unis dans la diversité en quelque sorte.
Les expats occidentaux installés à Phnom Penh, je ne les ai vus que par l’intermédiaire de mes compères MEP installés à Phnom Penh et dont la mission les amenait à entrer plus facilement en contact avec eux. À chaque fois, et dans une certaine mesure, j’ai pris plaisir à entrer dans ce monde si particulier des expatriés.
- Avez-vous été confronté à des problèmes d’insécurité sur place ? de santé ?
Rien à signaler de particulier pour la sécurité. La santé ne m’a pas moins suivi qu’en France, et je lui en sais gré.
- Quel a été votre visa ? A t il été difficile à renouveler ? Autres difficultés administratives ?
Après que j’avais pris à mon arrivée un visa business valable un mois, l’Église s’est occupé de le faire prolonger, et je n’ai pas ouï dire de quelconque difficulté en la matière. Je n’ai par ailleurs eu aucune difficulté administrative particulière.
- Avez-vous eu d’autres activités sur place pendant la mission ?
Hormis quelques jours çà et là, j’ai pris deux semaines de vacances complètes au début du mois de mai 2008. Avec quatre amis venus de Paris et Manille, nous avons vadrouillé au Cambodge la première semaine et dans le Tonkin la seconde.
Je ne sais pas ce que vous entendez par « autres activités ». Je pourrais vous raconter tous les écarts à la compta et aux cours de langues, mais je crois qu’ils font bel et bien partie de la mission. Par exemple, retenons que chaque dimanche soir, je projetais un film pour les jeunes des foyers que nous avons à Kompong Cham. Si vous souhaitez malgré tout en savoir plus, je vous invite à lire mon présent blog.
- Commentaires :
La vie sur place était globalement confortable. Sa seule caractéristique qui m’ait été parfois pesante est son caractère très communautaire : horaires fixes, avec toujours les mêmes gens. Au départ, c’est une peu casse-pieds, mais avec le temps qui passe, j’ai appris à ne plus m’en plaindre et à jouer le jeu.
LE PARTENAIRE LOCAL
- Présentation du partenaire et du référent pour la mission sur place :
De nationalité indienne, Mgr Antonysamy Susairaj est né en 1952 à Salem. Après avoir fait son séminaire à Bangalore, il est ordonné prêtre en mai 1978. Deux ans plus tard, il part étudier à l’université pontificale du Latran, avant d’être nommé directeur du centre pastoral de Salem. En 1994, il rejoint les Missions Étrangères de Paris, qui l’envoient au Cambodge en 1995. En 1997, le Saint-Siège le nomme administrateur apostolique de Kompong Cham. En 2000, il est promu Préfet apostolique.
- Les relations/ la communication avec les responsables du partenaire local :
Mgr Susairaj est quelqu’un de très simple, qui tient sa place avec brio. Parlant couramment six langues dont le français, sa première qualité est à mes yeux d’être d’un calme presque déroutant. Très accessible, il est je crois difficile de ne pas s’entendre avec lui. À chaque fois, et je n’en démords pas, j’ai été frappé par sa grande capacité à garder son calme. Nos relations ont été sinon des plus amicales du moins des plus cordiales.
Le Père Vogin n’en est pas moins sympathique. J’ai beaucoup d’admiration pour lui : parmi ses confrères, il est de ceux qui font le plus d’efforts pour être proche des gens.
- Avez-vous eu d’autres interlocuteurs sur place ?
S’il ne vivait pas à l’évêché, le Père François Hemelsdael, un jeune prêtre fraîchement arrivé au Cambodge et chargé de la paroisse de Phum Thmey (où je donnais mes cours d’anglais), a été de ceux avec qui j’ai le plus eu à travailler. Nous nous sommes je crois bien entendus, et notre collaboration a été assez efficace et agréable.
Je partageais mon bureau avec Primprey, une jeune Khmère de mon âge, qui s’attelait principalement à la saisie pendant que je m’attelais à rédiger des rapports financiers et des dossiers de demandes de fonds auprès des organismes étrangers qui soutiennent les diverses activités socio-éducatives mises en place par l’Église. Là encore, notre collaboration a été plutôt une réussite.
- Commentaires :
Le staff de l’évêché, du Préfet apostolique au personnel de maison, a toujours été généreux à mon endroit, et je l’en remercie.
LE PROJET
- Développement local du pays et de la zone d’intervention :
Le Cambodge d’aujourd’hui continue de payer le prix des affrontements d’hier. Surpris par le coup d’état du Général Lon Nol en mars 1970, assommé par les bombardements américains du début des années 70, meurtri par le régime des Khmers Rouges entre 1975 et 1979, prisonnier d’une administration vietnamienne entre 1979 et 1989, c’est sur un tas de cendres le Cambodge a repris récemment le chemin du développement. Novice en démocratie, néophyte en capitalisme, il en est encore à l’heure de la digestion des déchirements de son passé. Le poids de l’histoire, alourdi par le « complexe d’Angkor », qui définit cette angoisse qu'ont les Cambodgiens à accepter leur long déclin depuis la chute du glorieux empire au XVe siècle, est encore fortement ancré dans la population et la gestion des affaires publiques. C’est maintenant un monde à deux vitesses qui s’y profile : d’un côté, un capitalisme ravageur dont Phnom Penh est la vitrine suprême, de l’autre, des provinces laissées plus ou moins à l’écart, où les gens, pauvres mais pas miséreux grâce à un climat généreux, vivotent de leur lopin de terre ou de boulots de fortune.
Signe que le Cambodge n’a pas encore pris goût à la sagesse, la corruption a là-bas pignon sur rue. Le nombre impressionnant de voitures de luxe du genre Lexus dernier cri ou Hummer immatriculées RCAF (Royal Cambodian Armed Forces) en est la manifestation la plus criarde. Le système tout entier repose sur la corruption : du plus petit des fonctionnaires trop mal payé pour ne pas à moitié lui pardonner sa malhonnêteté aux ministres et membres de la famille royale, tous s’adonnent à ce sport national. Qu’on le veuille ou non, chacun est prié de se faire à cet état de faits : pour bien des ONG ou des entreprises étrangères, ne pas intégrer ce mode de fonctionnement les conduirait rapidement à mettre la clef sous la porte.
Le Cambodge a ça de particulier pour un pays asiatique : il est sous peuplé et le trou démographique engendré par la politique pol potienne n’y est pas étranger. Signalons toutefois que la population, qui atteint près de quinze millions d’habitants, a aujourd’hui doublé par rapport à 1975. Quinze millions d’habitants sur un territoire grand comme un tiers de la France, c’est peu, et cela autorise les Cambodgiens à s’organiser au minimum, voire à ne pas s’organiser du tout (il n’y a pas de système d’imposition sur la personne privée). De fait, si le peuple khmer est une réalité bien définissable, avec une histoire riche et reconnue de tous, la société cambodgienne en est encore à l’état de concept. C’est bien souvent la loi de la jungle qui y dicte ses règles, celui qui a les plus gros bras l’emportant dans la plupart des cas. Au lieu de s’organiser pour que chacun puisse tirer son épingle du jeu, on préférera bien souvent se pousser les uns les autres jusqu’à ce que le plus fort l’emporte. Je l’ai souvent dit, le Cambodge est à mes yeux comparable à un camp scout sans chef pour faire appliquer la loi, l’argent y prévalant en matière de sélection naturelle. Certes, il y a bien des lois, mais tout le monde ou presque s’en fiche avant même de faire l’effort de les connaître.
Un autre aspect du développement à la cambodgienne passe par la présence presque écrasante des ONG brassant des capitaux étrangers par milliards. Le roi Sihanouk le disait récemment : le Cambodge est devenu un pays d’assistés. Ces dernières années, depuis l’Apronuc mise en place par les Nations Unies au lendemain des instabilités qui ont suivi l’occupation vietnamienne et jusqu’à aujourd’hui, la reconstruction du Cambodge n’a été l’œuvre que d’Occidentaux sinon imbus du moins imprégnés de leur propre culture. Cet entrain international pour aider le Cambodge à se sortir enfin du pétrin n’a pas eu que des effets positifs. D’aucuns prétendent même qu’il a sclérosé le peuple khmer, au risque parfois de lui faire oublier le goût de l’effort et du travail bien fait. Le défi actuel est de khmériser enfin le développement du Cambodge, encore déraciné par son histoire récente. Reste à ce royaume déchiré par les guerres successives de se réconcilier avec lui-même et tourner enfin la page d’un passé révolu. Cependant, la culture locale est marquée du sceau de l’individualisme bouddhiste et un sursaut national ne semble dès lors pas à l’ordre du jour ; bon gré mal gré, chacun parait plus ou moins se complaire dans cet état de choses, plus intéressé de vivoter au jour le jour que d’imaginer ce que sera le Cambodge à plus long terme.
En matière d’éducation, et contrairement à son voisin vietnamien, il semble que le Cambodge n’en ait pas son cheval de Troie en matière de développement. Le résultat est trop souvent catastrophique. Quel gâchis ! Voir cette génération montante sortir de l’école sans même savoir situer leur propre pays sur une mappemonde crève le cœur. Officiellement, et exit les minorités ethniques des zones reculées, on frôle les 100% de scolarisés en primaire ; mais bien souvent, les profs préfèrent aller assurer leur fin de mois dans des instituts privés plutôt que de transmettre leur maigre savoir à des campagnards prédestinés de toute manière à cultiver leur terre jusqu’à la fin de leurs jours.
Rassurez-vous ou non, je n’entends pas ici dresser un tableau sans nuance et tout noir de ce beau pays qu’est le Cambodge. Hun Sen, Premier ministre depuis 1985 et qui vient d’être réélu en ce 27 juillet 2008, a aujourd’hui suffisamment assuré ses arrières et celles de son clan pour pouvoir enfin se mettre à développer son pays. Les chantiers sont de plus en plus nombreux et l’on ne compte désormais plus les pistes en cours de goudronnage. Des coins autrefois inaccessibles sont peu à peu désenclavés, et l’on a récemment promis que l’électrification du pays serait galopante dans les deux prochaines années. Reste à savoir si tout cela n’est pas qu’effet d’annonce. En parallèle, Chinois et Coréens achètent le pays, spéculant sur la terre et l’immobilier. Des paysans autrefois pauvres aux portes de Phnom Penh vendent désormais leur rizière à prix d’or. Ces nouveaux riches achètent des 4x4 et des téléphones dernier cri, au risque de se retrouver sans rien dans les deux ans qui suivent. Des zones d’activités défiscalisées poussent un peu partout autour de la capitale et le long des frontières vietnamienne et thaïlandaise, permettant à des firmes notamment américaines de venir embaucher de la main-d’œuvre à pas cher. Le capitalisme sauvage est à mes yeux le plus grand danger qui menace aujourd’hui le Cambodge.
- Présentation du projet et de ses objectifs :
J’ai passé le plus clair de mon temps dans le bureau de l’évêché, en compagnie de mon fidèle ordinateur. Comme cela est mentionné sur mon accord de volontariat, j’y ai assisté une jeune Khmère dans la comptabilité quotidienne de la Préfecture apostolique. Primprey avait elle aussi son ordinateur, équipé de Quickbook, un logiciel de comptabilité anglo-saxon. Quotidiennement, il fallait suivre d’aussi près que possible les dépenses de cette structure d’une quarantaine d’employés. J’étais particulièrement chargé de rédiger des rapports financiers aux divers organismes qui nous soutiennent et qui ont des comptes à rendre à leur administration fiscale. Par ailleurs, et pour assurer la pérennité des projets socio-éducatifs développés sur place, il m’a fallu monter des dossiers de demande de fonds. L’Église du Cambodge, loin d’être indépendante sur le plan financier, ne vit que grâce à des fonds venus de l’étranger. C’était là le principal défi qui m’a été offert : maintenir les liens avec nos différents financeurs, avérés ou potentiels.
Pour ce qui est des cours de langues, je ne retiendrai que deux choses :
- les cours de français m’ont permis de découvrir à quel point notre langue est difficile : sa seule règle est qu’elle n'est faite quasiment que d’exceptions.
- Les cours d’anglais à Phum Thmey ont été l’occasion de me confronter plus en profondeur à la population cambodgienne. Phum Thmey est un village de 1500 habitants environ qui n’a toujours pas d’école maternelle. Les gens y vivent pauvrement et simplement mais ne sont pas miséreux. Je ne vous cacherai pas que j’ai eu un grand plaisir à donner ces cours ; je me suis beaucoup donné pour les enfants, qui je crois me l’ont bien rendu ; d’octobre à mai, je n’avais comme élèves qu’une dizaine d’adolescents, et leur assiduité a été de mal en pis, surtout après la pause du Nouvel an khmer (avril). Lassé de faire 24 kilomètres par jour pour me retrouver avec une classe quasiment vide, j’en ai alerté Mme Phat, la catéchiste de la paroisse, qui a alors parcouru le village et appelé tous les enfants à venir participer à mon cours. À partir de là, l’affluence n’a jamais décru et je me suis rapidement retrouvé avec soixante élèves les petits jours, quatre-vingt-dix les grands jours.
- En quoi s’inscrit le projet dans l’optique de développement du pays ?
Le royaume du Cambodge entretient des relations diplomatiques avec le Saint-Siège, ce qui nous offre une grande liberté d’action. C’est ainsi que depuis son retour officiel en 1994, l’Église n’a cessé d’œuvrer au service de ses hôtes. Les projets sont nombreux et souvent riches d’enseignement. C’est aussi bien le Père untel qui dans un coin dont tout le monde se fout ouvre des écoles, développe des programmes d’agriculture ou construit des ponts, que des programmes moins localisés qui viennent en aide à la population. La Préfecture apostolique de Kompong Cham, sur les 66000 km2 que couvre son territoire, a mis en place plusieurs centres de jeunes où des étudiants, arrachés à leur pauvreté sclérosante, sont logés à l’année pour étudier. Un programme intitulé « hygiène, culture et danse » a pour première mission, et comme son nom l’indique en partie, de sensibiliser les villageois les plus isolés à l’hygiène ; c’est dans le cadre de ce programme que l’Église a également ouvert sept bibliothèques dans des villages où la seule culture qui prévalait jusqu’alors était celle du riz ; enfin, pour sensibiliser les jeunes à la richesse de leur culture, plusieurs troupes de danse traditionnelle ont été montées dans différents villages.
Un programme à destination des malades a parallèlement été mis en place ; il vient en aide aux plus pauvres qui n'ont pas accès aux soins dans un pays où, peut-être plus qu’ailleurs, tout passe par l’argent. Des frais de transport au règlement des soins hospitaliers, ce programme entend ainsi soutenir ceux à qui la vie n’a pas fait de cadeau.
Il y a également d’autres programmes, plus ou moins ponctuels, plus ou moins localisés, dont le seul but est de pratiquer la justice. En ce sens, les projets socio-éducatifs mis en place par l’Église participent au développement du Cambodge.
- En quoi la mission participe-t-elle à ce projet ?
La comptabilité, dans le sens où c’est elle qui permet le contrôle des mouvements financiers propres à chaque programme, est une étape nécessaire au projet. Les rapports financiers sur l’utilisation des fonds sont très souvent une clause des différents contrats - fussent-ils moraux - qui nous lient à nos donateurs. Nous sommes tenus de les faire, sinon par obligation, du moins par correction. Il faut bien le reconnaître : sans les aides de l’étranger, nos activités seraient réduites à néant. En ce sens, l’aspect comptable de ma mission a participé aux différents projets d’aide et de développement développés par la Préfecture apostolique de Kompong Cham. La recherche de financeurs passant par la réalisation de dossiers de demandes de fonds auprès d’organismes susceptibles de nous supporter est également une étape importante pour assurer la pérennité de nos activités.
Sur un autre registre (dans une moindre mesure ?), les cours de langues et plus particulièrement le cours d’anglais à Phum Thmey participent eux aussi au développement du Cambodge. Donner le goût de l’étude à des élèves confrontés à une école qui mise moins sur le savoir et la connaissance que sur la statistique pourrait bien me blanchir d’inutilité. Mais plus encore, je vois mon cours d’anglais comme une activité gratuite proposée à des gamins trop souvent prisonniers de leur pauvreté. Extirper les enfants à leur désœuvrement est, je crois, le meilleur moyen, pour ne pas dire le seul, de leur faire voir autre chose que la vie domestique, qui dans leur monde de subsistance ne leur fait généralement pas de cadeau et ne leur offre aucun extra.
- Commentaires :
« Se donner du mal pour les petites choses, c’est parvenir aux grandes avec le temps » [Samuel Beckett].
« L’intelligence ne vaut qu’au service de l’amour » [Antoine de Saint-Exupéry].
LE POSTE
- La mission opérationnelle (tâches/ organisation/ rythme de travail) :
Inquiet au départ sur l’apparent manque d’activités, j’ai vite constaté que j’avais en fait largement de quoi m’occuper. Déjà parce que les rapports et autres dossiers m’ont pris pas mal de temps, mais aussi parce que dès le début du mois d’octobre 2007, on m’a demandé si je pouvais dispenser un cours d’anglais à Phum Thmey. Ma journée-type s’est ainsi rapidement organisée :
- 6h30 : lever.
- 7h : prière.
- 7h15 : petit-déjeuner.
- 8h : bureau.
- 12h : déjeuner.
- 13H30 : bureau.
- 15h30 : départ pour Phum Thmey.
- 16h : cours d’anglais.
- 18h30 : retour.
- 19h : dîner.
Notons que j’ai donné un cours de français pendant deux mois, le matin à 8h. Par ailleurs, et comme le bureau était sur place, je pouvais m’organiser un peu à ma guise, au risque de travailler très souvent après le dîner.
Que dire de plus sur ce point ? Un mot simplement : plus le bureau était ouvert, mieux c’était. Et pour cause : bien (trop ?) souvent sans crier gare, les responsables des programmes venait y retirer l’argent nécessaire à leurs activités ; en quelque sorte, nous faisions office de banque interne à l’Église. Voilà un point qui m’autorise à ajouter quelques mots sur l’aspect bancaire de ma mission : toute l’année durant, j’ai veillé à placer à un taux aussi intéressant que possible l’argent que nous avions à notre disposition, afin de le faire fructifier et de pouvoir par la suite mettre les intérêts perçus au service des plus pauvres.
- Les enjeux du poste :
Les principaux enjeux du poste étaient le suivi des différents contrats qui nous lient à nos financeurs. Bien souvent, ceux-ci ont été signés pour une durée de deux ou trois ans, avec pour condition un rapport financier annuel. Il m’a donc au début fallu reprendre le flambeau laissé sur place par mes prédécesseurs et ainsi apprendre à manier la barre. De son côté, Primprey, ma collègue à la comptabilité, s’occupait principalement de la saisie, ce qui l’occupait à plein-temps. L’efficacité de notre collaboration était en ce sens elle aussi un enjeu de ma mission.
La recherche de nouveaux financeurs était elle aussi indispensable : sans financeur, pas d’argent ; sans argent, pas de projet.
Enfin, s'agissant de mon cours d’anglais, l’enjeu était d’intéresser les élèves et de leur donner le goût de la langue. Si je n’ai pas eu un seul instant la prétention de pouvoir leur faire maîtriser l’anglais, j’ai essayé de les faire entrer un tant soit peu dans une logique linguistique qui n’est pas la leur et de leur montrer que l’étude est le seul secret pour passer de l’ignorance à la connaissance. Le succès de mon cours d’anglais à Phum Thmey reste la grande satisfaction de mon volontariat.
- Quelles difficultés avez-vous rencontrées ? Comment les avez-vous surmontées ?
Dans le temps, et comme sans doute tout un chacun, l’adaptation a été la première difficulté de mon volontariat. Parachuté à Kompong Cham, j’ai eu au départ beaucoup de mal à me faire à l’idée que j’allais y rester un an, pensant même un moment à rentrer prématurément. Néanmoins, je l’ai dit plus haut, le temps qui passe m’a appris à prendre sur moi dans les moments difficiles. Je me suis peu à peu fait au rythme très communautaire de l’évêché de Kompong Cham, au point d’en savourer parfois les intérêts par rapport à ma vie de célibataire parisien. Une autre difficulté a été que je me suis parfois senti un peu seul, au milieu de ces prêtres de toutes nationalités et de tous ces Cambodgiens. Difficile à Kompong Cham de se faire des amis au sens où nous l’entendons traditionnellement.
Il n’empêche, au final, s’il y a bien eu des jours où j’en ai eu ras-le-bol, s’il y a bien des périodes de lassitude constante, j’ai passé une bonne année de volontariat, sans difficulté particulière qui mériterait que l'on s'y attardât.
- Les motivations du recrutement d’un volontaire expatrié par rapport à un employé local :
Comme je l’ai dit plus haut, je partageais mon bureau avec une employée locale : Primprey. Toute la comptabilité de la Préfecture apostolique ne repose donc pas sur le volontaire expatrié ; c’est là je crois une grande sagesse. En revanche, il est vrai que Primprey n’aurait pas assez de temps pour faire tout toute seule et qu’elle a réellement besoin d’un collaborateur sur place. Ne serait-ce que pour les rapports financiers, qui ne sont pas encore très évidents pour elle. Au fur et à mesure, je tâchais de lui montrer les fruits de mon travail et de lui en expliquer la logique ; c’est sans doute cela la partie formation dont vous parlez dans le contenu de ma mission. Même chose pour les dossiers de demande de fonds : cela demande du temps. Je signale d’ailleurs, qu’à part un seul en français, tous ces documents sont à rédiger en anglais ; sans prétendre maîtriser parfaitement la langue de Shakespeare, il est vrai que je la connais un peu mieux que Primprey.
Évidemment, vous pourriez penser qu’un employé local bilingue en anglais suffirait bien à ce poste. Pourtant, dans l’immédiat, je ne le crois pas : plus que de l’assistance, je crois qu’il s’est agi cette année d’une véritable collaboration entre une employée locale et un volontaire expatrié. Ce sont ici deux parcours et deux mentalités très différentes qui ont travaillé ensemble, mettant l’un et l’autre leurs savoirs au service d’une cause qui leur tient à cœur (Primprey travaillait autrefois dans une autre structure où elle gagnait mieux sa vie : par conviction, elle a décidé de venir travailler pour l’Église catholique).
Par ailleurs, la présence d’un volontaire expatrié est je crois apprécié par les gens sur place. J’étais cette année le seul volontaire à être basé à Kompong Cham, et hormis sept prêtres de tous les continents ou presque, l’ensemble des employés de la Préfecture apostolique sont des Khmers. Mon souhait, naturellement, est qu’un jour l’Église du Cambodge, encore trop récente et trop petite pour s’assumer, soit entièrement khmérisée ; mais pour l’heure je ne prends pas pour superflue la présence de quelques volontaires expatriés. Ce qui incombe est qu’au final tous se mettent efficacement au service de ceux qui en ont besoin et plus globalement de la communauté des hommes.
- Le suivi de la mission...
... par le partenaire local :
Rien à redire : Mgr Susairaj habite sur place et je n’avais dans ces conditions aucune difficulté à l’entretenir du déroulement de ma mission.
... par l’association en France :
Rien à en redire de particulier non plus.
- Commentaires :
Sans vouloir prétendre avoir été indispensable, je crois que mon poste est à maintenir, du moins à court terme.
« Chacun est responsable de tous. Chacun est seul responsable. Chacun est seul responsable de tous. » [Antoine de Saint-Exupéry)
BILAN DE MISSION
- Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Cf. plus haut.
- Pensez vous avoir répondu aux attentes du partenaire local ?
À peu près.
- Votre mission a-t-elle permis une évolution du projet ?
Une continuité plus qu’une évolution.
- Avez vous été remplacé par un volontaire ou un employé local ?
Un certain Hugues prend ma place à compter du 1er septembre. Une certaine Victoire assure d’ici là l’intérim.
- Quel bilan faites-vous de cette expérience de mission de volontariat ?
Bilan professionnel :
1) Immersion totale en Asie du Sud-est.
2) Comptabilité quotidienne d’une structure de 40 salariés.
3) Rapports financiers et demandes de fonds auprès d’organismes étrangers.
4) Activités annexes, dont un cours d’anglais dans un village (quotidien).
Bilan personnel :
Ma première satisfaction est d’être arrivé au bout de cette année de volontariat. Plus isolé sans doute que les autres VSI de Phnom Penh et d’ailleurs, j’ai souvent regretté cet isolement. Mais Kompong Cham n’est finalement pas si petit que ça ; on y trouve facilement de quoi vivre simplement sans pour autant manquer de quoi que ce soit.
Ma seconde satisfaction est de rentrer content d’avoir été à peu près utile pendant un an, au service des autres. Je me suis souvent demandé ce que je foutais là et si c’était vraiment constructif et pour les autres et pour moi. Avec un peu de recul, je m’autorise à penser que mon coup de main a été plutôt profitable à ceux qui m’ont accueilli.
Enfin, je me réjouis par avance de penser que toute ma vie restant j’aurai le souvenir de la coopération au Cambodge.
- Évaluation générale de la mission par une note de 1 à 10 (10 pour un bilan très positif) et explications:
Ma note : 7/10.
Pourquoi sept ? Déjà parce neuf ou dix auraient été exagérés, compte tenu que comme je le dis plus haut, il y a eu des périodes plus casse-pieds que d’autres, des moments où j’ai eu envie de tout foutre en l’air.
Huit est le point que je perds compte tenu de mes inefficacités ponctuelles : on ne peut pas être efficace tout le temps.
Moins de sept serait injuste, compte tenu que j’ai globalement passé une très bonne année et que les gens qui m’ont reçu l’ont fait avec gentillesse et dévouement.
- Commentaires :
« Être homme, c’est précisément être responsable. C’est sentir en posant sa pierre que l’on contribue à bâtir le monde » [Antoine de Saint-Exupéry, Terre des hommes].
LE RETOUR DE MISSION
- Comment se passe votre retour en France ?
Mon retour en France se passe pour le moment bien. S’il est vrai que j’étais un peu triste de quitter ma terre de mission tant en un an j’ai eu le temps d’y prendre mes marques et de m’habituer aux gens, je suis content de revoir ceux qui ici me sont chers.
Le risque - s’il en est – est maintenant de refermer la parenthèse que j’avais ouverte en arrivant l’année dernière à Kompong Cham et de reprendre la vie comme avant, le volontariat ne restant alors qu’un souvenir parmi d’autres.
- Quels sont vos projets professionnels suite à cette mission ?
Mon projet est dans l’immédiat de trouver un travail qui m’intéresse un minimum et dans lequel je puisse faire mes preuves en y faisant valoir malgré tout ce que le volontariat m’a apporté. Tant qu’à faire, je cherche un travail qui ne soit pas celui d’un parasite, mais réellement utile à la société des hommes.
- Souhaiteriez-vous un accompagnement spécifique ?
Si vous avez des idées et des contacts, je suis naturellement preneur.
- Commentaires :
Puissent ceux qui partent en volontariat en rentrer comme j’en suis rentré : content.
VIE DE FOI
- Est-ce que votre mission vous a permis de vivre votre foi sur place ?
Oui. Les messes étant dites sur place, je pouvais si je le souhaitais aller à la messe quasiment tous les jours. Chaque dernier vendredi du mois, j’allais à Phnom Penh pour « la messe des coopérants », précédée généralement d’un partage d’évangile.
- Avez-vous trouvé auprès des confrères Mep ou d’un autre prêtre la possibilité d’un suivi spirituel ?
Avec le Père Vogin, nous avons entrepris dès le début de ma coopération de nous rencontrer deux ou trois fois par semaine, avant la prière du matin, pour un partage d’évangile. Cela a duré six mois environ. J’apprécie beaucoup les partages d’évangiles : ils sont souvent l’occasion de débattre sur un point particulier du dogme ou de la foi.
- Quels ont été vos rapports avec l’Eglise locale ? Qu’avez-vous découvert de l’Eglise en Asie ou Océan Indien ?
Mes rapports avec l’Église locale ont été je l’espère ceux d’un fidèle parmi les fidèles. Ce que j’ai découvert au Cambodge est une Église encore faible mais heureusement bien rattachée à l’universalité de l’Église de Rome. En train de se chercher une voie, elle semble avoir choisir la voie de l’inculturation. Je lui souhaite que ce soit la bonne. Souvent, je me suis posé la question de notre place dans un pays qui n’est pas le nôtre et où le catholicisme reste qu’on le veuille ou non une religion exotique. Mais le travail d’une Église se mettant au service de ses hôtes m’a aidé à relativiser quant à une éventuelle intrusion au pays du Bouddha. Le message chrétien reste je crois bon pour l’homme et son humanité et le projet politique qui en découle ne peut qu’améliorer dans l’avenir un pays encore retourné par son histoire récente.
- Pensez-vous avoir apporté un témoignage de foi au cours de votre mission ? Si oui comment ? Si non pourquoi ?
Ma foi, s’il en est, je pourrais vous en parler des heures durant. Et pourtant, ô paradoxe ?, je ne sais pas très bien ce qu’elle est. Le temps qui passe m’a simplement offert de comprendre qu’elle est sans doute davantage une adhésion à un projet plus que la compréhension de concepts qui pour la plupart m’échappent encore, et m’échapperont peut-être toujours. Ce dont je suis certain, c’est que j’aime l’Église en tant que fruit d’une histoire riche et mouvementée, en tant qu’institution mondiale, et j’allais même dire en tant qu’Internationale tenant la route. Je reste convaincu que le projet proposé par le Christ est fondamentalement bon pour la société des hommes, société à laquelle je suis le plus certain d’appartenir.
Aussi, dans le sens où je me suis parfois battu contre moi-même pour me donner aux autres, je pense avoir apporté ce vous appelez un « témoignage de foi » ; de fait, je l’ai fait je crois au nom de mon appartenance à l’Église catholique. Du moins, il s’agit bien là du cadre dans lequel je suis parti en volontariat.
Au niveau de la piété dont cette question sous-entend sans doute qu’elle est aussi un « témoignage de foi », je ne saurais prétendre en avoir témoigné de manière particulière. J’y reviens : fidèle parmi les fidèles, je veillais à assister à la prière du matin et ne me suis jamais permis de sécher la messe dominicale.
- Votre mission a-t-elle été l’occasion pour vous de rencontrer davantage le Christ, d’approfondir votre foi ?
Pour réponse à cette question, je suis tenté de reprendre mot pour mot ce que j’ai répondu à la précédente. Néanmoins, je me sens poussé de préciser un peu quelle a pu être pour ma foi (s’il en est) cette année de volontariat. « Rencontrer davantage le Christ », dites-vous ; me voilà un peu perplexe face à un concept dont j’ai souvent bien du mal à me faire une idée claire. Si c’est du Christ en tant que Dieu parmi les hommes, en tant qu’incarnation et donc en tant que réalité terrestre dont vous parlez ici, je serais tenté de vous répondre par la positive. Oui, je suis entré peut-être plus en profondeur dans le monde qui m’entoure ; oui, en ce sens, j’ai rencontré davantage le Christ. Cependant, si c’est du Christ en tant que Dieu (tout court), je ne saurais tout simplement pas vous répondre. La transcendance, si je la crois de fait d'une manière ou d'une autre infuse à notre condition d’homme, m’apparaît encore bien trop mystérieuse pour être approfondie.
- Comment pensez-vous témoigner de cela à votre retour ?
Je pense témoigner de cela à mon retour dans la simplicité, sans particularisme ni artifice majeur. Je me souhaite simplement de continuer à être fidèle parmi les fidèles, à vivre mon appartenance à l’Église par la pratique régulière de ma religion.
RELATIONS AVEC LES MEP
- Que pensez-vous de la préparation au départ ?
D’une part, elle permet aux néophytes de se mettre dans les bains si singulier et si sympathique des Missions Étrangères de Paris. Ses nombreux intervenants apportent d’autre part à ceux qui vont partir quelques éléments de réponses aux questions qui pourraient les interpeller une fois arrivés sur leur terre de mission.
En ce sens, je pense de la préparation au départ qu’elle est intéressante et nécessaire.
- Que pensez-vous du suivi des volontaires sur le terrain assuré par les MEP à Paris ou bien par les confrères dans votre pays d’accueil ?
Je n’ai rien qui vaille à en redire. Seulement, je dirais que c’est également au volontaire de faire en sorte que son suivi soit bon : en donnant quelques signes de vie, il met sur ce point en particulier toutes les chances de son côté.
- Êtes-vous prêt à participer aux activités proposées par les MEP en France ?
Oui, dans une certaine mesure.
- Êtes-vous prêt à témoigner de votre expérience de volontariat ?
Oui, dans une certaine mesure.
- En quoi votre expérience de volontariat a-t-elle transformé, orienté, converti votre vie quotidienne?
Cela fait à peine deux semaines que je suis rentré. Dans ces conditions, je ne saurais répondre honnêtement à cette question et vous propose d’en reparler au moins dans quelque temps.
DEBUT DE MISSION
- Quelles étaient les motivations de votre départ en mission ?
1) partir ailleurs – 2) être utile pendant un an à une cause qui me tienne à cœur – 3) Trouver un substitut au service militaire.
- Quelle formation avez vous reçue avant le départ ? A t elle été utile et adaptée? Avez-vous des suggestions ?
Formation 1 : école de commerce. La formation dans les écoles de commerce, très généraliste, m’a offert de pouvoir m’adapter assez facilement dans un environnement professionnel qui ne m’était pas forcément familier.
Formation 2 : faculté d’histoire. La rigueur universitaire, absente dans les écoles de commerce, m’a beaucoup apporté ; je lui dois la persévérance dans le travail.
En ce sens, ma formation reçue avant le départ m’a été utile.
Je n’ai pas de suggestion particulière à émettre, hormis que le bon sens et la volonté sont les meilleurs alliés du travailleur.
- Comment s’est passée votre arrivée ? Avez vous eu une période de tuilage ?
Lorsque je suis arrivé, mon prédécesseur était déjà rentré en France, où j’ai pu le croiser pour qu’il me briefe sur quelques points essentiels de ma mission. Je ne me suis néanmoins pas retrouvé tout seul à mon arrivée, puisqu’un second coopérant, en poste sur place depuis 23 mois, m’a accueilli. Nous avons passé quinze jours ensemble, le temps pour lui de me montrer au mieux comment manier la barre. Il est ensuite rentré en France.
J’ai donc eu un semblant de tuilage, qui m’a été des plus précieux. Pour la suite, et j’y reviens, le bons sens et la volonté ont été mes meilleurs alliés.
- Y a t il eu un décalage avec le poste annoncé ?
Si je tiens compte du contenu de la mission tel qu’il est écrit sur mon accord de volontariat (« Assistant responsable comptable / responsable du centre de jeunes »), il y a eu, de fait, un décalage avec le poste annoncé. Sauf erreur de ma part, et jusqu’à présent, la responsabilité du centre de jeunes était réservée à la seconde année de volontariat. Je n’ai donc pas eu à assister le directeur du centre (même si je crois savoir que cela ne sera plus nécessaire par la suite). Ce trou d’activités par rapport au poste annoncé s’est soldé par la tenue de cours de langues, dont un cours de français plus ou moins régulier à l’évêché, et un cours d’anglais quotidien à Phum Thmey, un village situé à douze kilomètres en amont du Mékong. Néanmoins, le gros de ma mission revenant à toute la partie comptable, il n’y a pas eu de décalage majeur avec le poste annoncé. Naturellement, d’autres aménagements ont pu se faire sur le tas. C’est ainsi que j’ai parfois organisé des activités plus ponctuelles pour les enfants de Phum Thmey (promenades en bateau sur le Mékong, après-midi jeux, sorties culturelles, etc.).
- Commentaires :
Inquiet au départ, je rentre content d’avoir été jusqu’au bout. Ce contentement se partage la première place avec la satisfaction d’avoir été, je crois, utile pendant un an. Comme pour tout le monde, il y a eu des hauts et des bas ; comme pour tout le monde, je me suis souvent interrogé sur la finalité de mon action. Pourtant, le volontariat a ça de plus qu’il m’a fait me questionner sur l’utilité de ma mission ; souvent, je me suis demandé ce que je foutais là. Souvent, je me suis dis que cette parenthèse dans ma vie d’Occidental était un luxe que je m’offrais pour fuir un système que je ne porte pas particulièrement dans mon cœur. Parfois même, j’ai eu envie de rentrer prématurément. Mais mon année passée au service de l’Église du Cambodge qui œuvre elle-même au service des Cambodgiens m’a aidé à comprendre que le service aux autres et la simplicité sont les meilleures voies d’accès à la paix de l’âme. Et quand des questions existentielles surgissaient, avec un peu de volonté, je prenais sur moi, en veillant autant que possible à me prendre au jeu. Avec le temps, mon regard de Français sur mon environnement matériel et humain s’est adouci, au point parfois de le comprendre et de l’apprécier. En un an, j’ai appris à vivre au Cambodge, dans le cadre très communautaire de l’évêché de Kompong Cham. J’ai pris mes marques ; les visages au départ inconnus me sont devenus familiers ; mon emploi du temps s’est régularisé. Autant d’ingrédients qui m’ont pincé le cœur quand il m’a fallu quitter cette ville de la province cambodgienne et retourner en France. Puisse cette expérience toujours m’évoquer « le bon temps du volontariat ».
LA VIE SUR PLACE
- Les conditions de vie (logement/nourriture...) :
Comme je le sous-entends plus haut, je vivais à plein temps à l’évêché de Kompong Cham (qui est en fait le siège de la Préfecture apostolique du même nom, mais que nous appellerons ici « évêché » par souci de commodité – le Cambodge est divisé en trois administrations apostoliques : le Vicariat apostolique de Phnom Penh et les deux préfectures apostoliques de Battambang et de Kompong Cham). J’y vivais quotidiennment avec Mgr Antonysamy Susairaj, Préfet apostolique, le Père Gérald Vogin, curé de la paroisse et vicaire général, ainsi qu’avec les deux cuisinières et leurs enfants. À tous ces gens s’ajoutaient plus ou moins régulièrement des prêtres et des séminaristes de toutes nationalités et d’autres personnes de passage. Confortablement logé dans un bâtiment en dur, avec chambre individuelle et coin salon avec télévision câblée et réfrigérateur toujours rempli de sodas, je n’ai pas à m’en plaindre compte tenu du confort souvent spartiate de l’habitation traditionnelle khmère. Je n’ai pas eu un seul jour à me soucier de mes repas, les cuisinières œuvrant à la tâche. Vu d’ici, tout cela peut sembler bien luxueux, et certes ça l’est. N’y voyons cependant pas un superflu à la coloniale : il règne là-bas une grande simplicité, et les relations entre le personnel de maison et les hôtes ne sont jamais biaisées par quelconque rapport de force qui sont souvent ceux des dirigeants-dirigés.
- Le niveau d’hygiène (sanitaire et alimentaire) a t il été suffisant ? A t il posé des problèmes ?
J’avais ma propre salle de bain, avec savon fourni. Une des cuisinières avait aussi à charge de faire le ménage dans mon bâtiment, y compris ma chambre. La maison est équipée d’une machine à laver le linge. Le linge de maison, fourni, était régulièrement lavé. Je n’ai dans ces conditions rien à redire de l’hygiène qui m’a été réservée cette année.
- Votre intégration sur place, dans la vie-culture locale :
Pendant mes six premières semaines, j’ai eu droit à des cours de khmer, à raison de six ou sept heures par semaine. Si j’en suis sorti avec le B-A-BA local en tête, je n’ai pas mis le paquet sur l’apprentissage de la langue. J’ai ainsi eu un peu de mal au départ pour communiquer, mais le temps qui passe m’a offert de progresser peu à peu, au point de parler à peu près le khmer dans le dernier trimestre de mon volontariat. Cette connaissance du khmer n’est certainement pas étrangère au succès de mon cours d’anglais de Phum Thmey, qui brassait quotidiennement de soixante à quatre-vingt-dix élèves (ils étaient quatre-vingt-onze le dernier jour !)
Seul volontaire sur place, je n’ai pas eu d'autre choix que de m’insérer dans le quotidien de mes hôtes. Si la vie menée à l’évêché n’est de fait pas celle du commun des mortels cambodgiens, elle est pourtant bien locale. Rien à voir ici avec la vie d’un expat de Phnom Penh. Au Cambodge, plus qu’ailleurs peut-être, il y a d’un côté la capitale, de l’autre la province. À Phnom Penh, aucune difficulté pour vivre à l’occidentale. En province, c’est beaucoup plus difficile, pour ne pas dire perdu d’avance. Kompong Cham a beau être la quatrième ou cinquième ville du pays, elle n’en demeure pas moins une petite ville de province, peuplée de 40000 âmes.
S'agissant d'une éventuelle intégration dans la vie-culture locale puisque c’est l’objet de la question, je n'y prétendrai rien. En un an, et plus encore lorsque l’on sait que l’on rentrera rapidement en France, il est difficile de prétendre pouvoir digérer une culture qui n’est pas loin d’être aux antipodes de la nôtre. Plus encore que le missionnaire qui fera toute sa vie là-bas, je suis resté le « baraing » de passage, le barbare venu de l’étranger. Qu’importe : je me suis appliqué à vivre comme on me l’a proposé, et non comme je l’avais souhaité. Je reste content d’avoir été basé à Kompong Cham ; loin de la vie extravagante de Phnom Penh, Kompong Cham est un bon mix entre simplicité et consumérisme, entre tradition et modernité. Suffisamment préservée pour s’y sentir ailleurs, elle est par ailleurs suffisamment ouverte sur le monde moderne pour ne pas s’y sentir isolé (j’avais Internet dans mon bureau !).
Pour finir sur ce point, et sans vouloir prendre parti aucun, je voudrais dire un mot sur l’Église du Cambodge, qui, après des siècles de sulpicisme et un travail d’introspection qui lui a valu les fourbes de certains, est entrée récemment dans une phase d’inculturation, pour mieux respecter la culture séculaire de cette terre qui l’accueille. En ce sens, elle contribue à défendre le peuple khmer contre le risque de nivellement culturel qu’a engendré la mondialisation.
- Votre intégration sur place parmi les autres volontaires ou expatriés occidentaux :
À Kompong Cham, les expatriés se comptent sur les doigts d'une main ou presque. On les croise principalement dans l’un ou l’autre des deux pubs en front de fleuve (l’un est tenu par un Américain, l’autre par un Breton). Je ne les ai que peu vus, et n’ai pas cherché à les voir plus que ça.
Pour ce qui est de mes virées mensuelles à Phnom Penh (le dernier weekend de chaque mois), il en est tout autre chose. D’abord parce que j’y retrouvais mes compères MEP, à la maison dites « des coopérants », et que j’y croisais facilement des expatriés occidentaux. Les autres volontaires MEP, je n’ai je crois rien à en redire : le cru 2007-2008 était excellent. J’ai découvert qu’il n’y a en fait pas de profil type pour le volontaire MEP, profil dont j’avais peur d’être soit trop proche, soit trop éloigné, selon les dires. Que nenni : il y a parmi nous toute sorte de motivations et de compétences, de caractères et de « niveaux de foi ». Unis dans la diversité en quelque sorte.
Les expats occidentaux installés à Phnom Penh, je ne les ai vus que par l’intermédiaire de mes compères MEP installés à Phnom Penh et dont la mission les amenait à entrer plus facilement en contact avec eux. À chaque fois, et dans une certaine mesure, j’ai pris plaisir à entrer dans ce monde si particulier des expatriés.
- Avez-vous été confronté à des problèmes d’insécurité sur place ? de santé ?
Rien à signaler de particulier pour la sécurité. La santé ne m’a pas moins suivi qu’en France, et je lui en sais gré.
- Quel a été votre visa ? A t il été difficile à renouveler ? Autres difficultés administratives ?
Après que j’avais pris à mon arrivée un visa business valable un mois, l’Église s’est occupé de le faire prolonger, et je n’ai pas ouï dire de quelconque difficulté en la matière. Je n’ai par ailleurs eu aucune difficulté administrative particulière.
- Avez-vous eu d’autres activités sur place pendant la mission ?
Hormis quelques jours çà et là, j’ai pris deux semaines de vacances complètes au début du mois de mai 2008. Avec quatre amis venus de Paris et Manille, nous avons vadrouillé au Cambodge la première semaine et dans le Tonkin la seconde.
Je ne sais pas ce que vous entendez par « autres activités ». Je pourrais vous raconter tous les écarts à la compta et aux cours de langues, mais je crois qu’ils font bel et bien partie de la mission. Par exemple, retenons que chaque dimanche soir, je projetais un film pour les jeunes des foyers que nous avons à Kompong Cham. Si vous souhaitez malgré tout en savoir plus, je vous invite à lire mon présent blog.
- Commentaires :
La vie sur place était globalement confortable. Sa seule caractéristique qui m’ait été parfois pesante est son caractère très communautaire : horaires fixes, avec toujours les mêmes gens. Au départ, c’est une peu casse-pieds, mais avec le temps qui passe, j’ai appris à ne plus m’en plaindre et à jouer le jeu.
LE PARTENAIRE LOCAL
- Présentation du partenaire et du référent pour la mission sur place :
De nationalité indienne, Mgr Antonysamy Susairaj est né en 1952 à Salem. Après avoir fait son séminaire à Bangalore, il est ordonné prêtre en mai 1978. Deux ans plus tard, il part étudier à l’université pontificale du Latran, avant d’être nommé directeur du centre pastoral de Salem. En 1994, il rejoint les Missions Étrangères de Paris, qui l’envoient au Cambodge en 1995. En 1997, le Saint-Siège le nomme administrateur apostolique de Kompong Cham. En 2000, il est promu Préfet apostolique.
- Les relations/ la communication avec les responsables du partenaire local :
Mgr Susairaj est quelqu’un de très simple, qui tient sa place avec brio. Parlant couramment six langues dont le français, sa première qualité est à mes yeux d’être d’un calme presque déroutant. Très accessible, il est je crois difficile de ne pas s’entendre avec lui. À chaque fois, et je n’en démords pas, j’ai été frappé par sa grande capacité à garder son calme. Nos relations ont été sinon des plus amicales du moins des plus cordiales.
Le Père Vogin n’en est pas moins sympathique. J’ai beaucoup d’admiration pour lui : parmi ses confrères, il est de ceux qui font le plus d’efforts pour être proche des gens.
- Avez-vous eu d’autres interlocuteurs sur place ?
S’il ne vivait pas à l’évêché, le Père François Hemelsdael, un jeune prêtre fraîchement arrivé au Cambodge et chargé de la paroisse de Phum Thmey (où je donnais mes cours d’anglais), a été de ceux avec qui j’ai le plus eu à travailler. Nous nous sommes je crois bien entendus, et notre collaboration a été assez efficace et agréable.
Je partageais mon bureau avec Primprey, une jeune Khmère de mon âge, qui s’attelait principalement à la saisie pendant que je m’attelais à rédiger des rapports financiers et des dossiers de demandes de fonds auprès des organismes étrangers qui soutiennent les diverses activités socio-éducatives mises en place par l’Église. Là encore, notre collaboration a été plutôt une réussite.
- Commentaires :
Le staff de l’évêché, du Préfet apostolique au personnel de maison, a toujours été généreux à mon endroit, et je l’en remercie.
LE PROJET
- Développement local du pays et de la zone d’intervention :
Le Cambodge d’aujourd’hui continue de payer le prix des affrontements d’hier. Surpris par le coup d’état du Général Lon Nol en mars 1970, assommé par les bombardements américains du début des années 70, meurtri par le régime des Khmers Rouges entre 1975 et 1979, prisonnier d’une administration vietnamienne entre 1979 et 1989, c’est sur un tas de cendres le Cambodge a repris récemment le chemin du développement. Novice en démocratie, néophyte en capitalisme, il en est encore à l’heure de la digestion des déchirements de son passé. Le poids de l’histoire, alourdi par le « complexe d’Angkor », qui définit cette angoisse qu'ont les Cambodgiens à accepter leur long déclin depuis la chute du glorieux empire au XVe siècle, est encore fortement ancré dans la population et la gestion des affaires publiques. C’est maintenant un monde à deux vitesses qui s’y profile : d’un côté, un capitalisme ravageur dont Phnom Penh est la vitrine suprême, de l’autre, des provinces laissées plus ou moins à l’écart, où les gens, pauvres mais pas miséreux grâce à un climat généreux, vivotent de leur lopin de terre ou de boulots de fortune.
Signe que le Cambodge n’a pas encore pris goût à la sagesse, la corruption a là-bas pignon sur rue. Le nombre impressionnant de voitures de luxe du genre Lexus dernier cri ou Hummer immatriculées RCAF (Royal Cambodian Armed Forces) en est la manifestation la plus criarde. Le système tout entier repose sur la corruption : du plus petit des fonctionnaires trop mal payé pour ne pas à moitié lui pardonner sa malhonnêteté aux ministres et membres de la famille royale, tous s’adonnent à ce sport national. Qu’on le veuille ou non, chacun est prié de se faire à cet état de faits : pour bien des ONG ou des entreprises étrangères, ne pas intégrer ce mode de fonctionnement les conduirait rapidement à mettre la clef sous la porte.
Le Cambodge a ça de particulier pour un pays asiatique : il est sous peuplé et le trou démographique engendré par la politique pol potienne n’y est pas étranger. Signalons toutefois que la population, qui atteint près de quinze millions d’habitants, a aujourd’hui doublé par rapport à 1975. Quinze millions d’habitants sur un territoire grand comme un tiers de la France, c’est peu, et cela autorise les Cambodgiens à s’organiser au minimum, voire à ne pas s’organiser du tout (il n’y a pas de système d’imposition sur la personne privée). De fait, si le peuple khmer est une réalité bien définissable, avec une histoire riche et reconnue de tous, la société cambodgienne en est encore à l’état de concept. C’est bien souvent la loi de la jungle qui y dicte ses règles, celui qui a les plus gros bras l’emportant dans la plupart des cas. Au lieu de s’organiser pour que chacun puisse tirer son épingle du jeu, on préférera bien souvent se pousser les uns les autres jusqu’à ce que le plus fort l’emporte. Je l’ai souvent dit, le Cambodge est à mes yeux comparable à un camp scout sans chef pour faire appliquer la loi, l’argent y prévalant en matière de sélection naturelle. Certes, il y a bien des lois, mais tout le monde ou presque s’en fiche avant même de faire l’effort de les connaître.
Un autre aspect du développement à la cambodgienne passe par la présence presque écrasante des ONG brassant des capitaux étrangers par milliards. Le roi Sihanouk le disait récemment : le Cambodge est devenu un pays d’assistés. Ces dernières années, depuis l’Apronuc mise en place par les Nations Unies au lendemain des instabilités qui ont suivi l’occupation vietnamienne et jusqu’à aujourd’hui, la reconstruction du Cambodge n’a été l’œuvre que d’Occidentaux sinon imbus du moins imprégnés de leur propre culture. Cet entrain international pour aider le Cambodge à se sortir enfin du pétrin n’a pas eu que des effets positifs. D’aucuns prétendent même qu’il a sclérosé le peuple khmer, au risque parfois de lui faire oublier le goût de l’effort et du travail bien fait. Le défi actuel est de khmériser enfin le développement du Cambodge, encore déraciné par son histoire récente. Reste à ce royaume déchiré par les guerres successives de se réconcilier avec lui-même et tourner enfin la page d’un passé révolu. Cependant, la culture locale est marquée du sceau de l’individualisme bouddhiste et un sursaut national ne semble dès lors pas à l’ordre du jour ; bon gré mal gré, chacun parait plus ou moins se complaire dans cet état de choses, plus intéressé de vivoter au jour le jour que d’imaginer ce que sera le Cambodge à plus long terme.
En matière d’éducation, et contrairement à son voisin vietnamien, il semble que le Cambodge n’en ait pas son cheval de Troie en matière de développement. Le résultat est trop souvent catastrophique. Quel gâchis ! Voir cette génération montante sortir de l’école sans même savoir situer leur propre pays sur une mappemonde crève le cœur. Officiellement, et exit les minorités ethniques des zones reculées, on frôle les 100% de scolarisés en primaire ; mais bien souvent, les profs préfèrent aller assurer leur fin de mois dans des instituts privés plutôt que de transmettre leur maigre savoir à des campagnards prédestinés de toute manière à cultiver leur terre jusqu’à la fin de leurs jours.
Rassurez-vous ou non, je n’entends pas ici dresser un tableau sans nuance et tout noir de ce beau pays qu’est le Cambodge. Hun Sen, Premier ministre depuis 1985 et qui vient d’être réélu en ce 27 juillet 2008, a aujourd’hui suffisamment assuré ses arrières et celles de son clan pour pouvoir enfin se mettre à développer son pays. Les chantiers sont de plus en plus nombreux et l’on ne compte désormais plus les pistes en cours de goudronnage. Des coins autrefois inaccessibles sont peu à peu désenclavés, et l’on a récemment promis que l’électrification du pays serait galopante dans les deux prochaines années. Reste à savoir si tout cela n’est pas qu’effet d’annonce. En parallèle, Chinois et Coréens achètent le pays, spéculant sur la terre et l’immobilier. Des paysans autrefois pauvres aux portes de Phnom Penh vendent désormais leur rizière à prix d’or. Ces nouveaux riches achètent des 4x4 et des téléphones dernier cri, au risque de se retrouver sans rien dans les deux ans qui suivent. Des zones d’activités défiscalisées poussent un peu partout autour de la capitale et le long des frontières vietnamienne et thaïlandaise, permettant à des firmes notamment américaines de venir embaucher de la main-d’œuvre à pas cher. Le capitalisme sauvage est à mes yeux le plus grand danger qui menace aujourd’hui le Cambodge.
- Présentation du projet et de ses objectifs :
J’ai passé le plus clair de mon temps dans le bureau de l’évêché, en compagnie de mon fidèle ordinateur. Comme cela est mentionné sur mon accord de volontariat, j’y ai assisté une jeune Khmère dans la comptabilité quotidienne de la Préfecture apostolique. Primprey avait elle aussi son ordinateur, équipé de Quickbook, un logiciel de comptabilité anglo-saxon. Quotidiennement, il fallait suivre d’aussi près que possible les dépenses de cette structure d’une quarantaine d’employés. J’étais particulièrement chargé de rédiger des rapports financiers aux divers organismes qui nous soutiennent et qui ont des comptes à rendre à leur administration fiscale. Par ailleurs, et pour assurer la pérennité des projets socio-éducatifs développés sur place, il m’a fallu monter des dossiers de demande de fonds. L’Église du Cambodge, loin d’être indépendante sur le plan financier, ne vit que grâce à des fonds venus de l’étranger. C’était là le principal défi qui m’a été offert : maintenir les liens avec nos différents financeurs, avérés ou potentiels.
Pour ce qui est des cours de langues, je ne retiendrai que deux choses :
- les cours de français m’ont permis de découvrir à quel point notre langue est difficile : sa seule règle est qu’elle n'est faite quasiment que d’exceptions.
- Les cours d’anglais à Phum Thmey ont été l’occasion de me confronter plus en profondeur à la population cambodgienne. Phum Thmey est un village de 1500 habitants environ qui n’a toujours pas d’école maternelle. Les gens y vivent pauvrement et simplement mais ne sont pas miséreux. Je ne vous cacherai pas que j’ai eu un grand plaisir à donner ces cours ; je me suis beaucoup donné pour les enfants, qui je crois me l’ont bien rendu ; d’octobre à mai, je n’avais comme élèves qu’une dizaine d’adolescents, et leur assiduité a été de mal en pis, surtout après la pause du Nouvel an khmer (avril). Lassé de faire 24 kilomètres par jour pour me retrouver avec une classe quasiment vide, j’en ai alerté Mme Phat, la catéchiste de la paroisse, qui a alors parcouru le village et appelé tous les enfants à venir participer à mon cours. À partir de là, l’affluence n’a jamais décru et je me suis rapidement retrouvé avec soixante élèves les petits jours, quatre-vingt-dix les grands jours.
- En quoi s’inscrit le projet dans l’optique de développement du pays ?
Le royaume du Cambodge entretient des relations diplomatiques avec le Saint-Siège, ce qui nous offre une grande liberté d’action. C’est ainsi que depuis son retour officiel en 1994, l’Église n’a cessé d’œuvrer au service de ses hôtes. Les projets sont nombreux et souvent riches d’enseignement. C’est aussi bien le Père untel qui dans un coin dont tout le monde se fout ouvre des écoles, développe des programmes d’agriculture ou construit des ponts, que des programmes moins localisés qui viennent en aide à la population. La Préfecture apostolique de Kompong Cham, sur les 66000 km2 que couvre son territoire, a mis en place plusieurs centres de jeunes où des étudiants, arrachés à leur pauvreté sclérosante, sont logés à l’année pour étudier. Un programme intitulé « hygiène, culture et danse » a pour première mission, et comme son nom l’indique en partie, de sensibiliser les villageois les plus isolés à l’hygiène ; c’est dans le cadre de ce programme que l’Église a également ouvert sept bibliothèques dans des villages où la seule culture qui prévalait jusqu’alors était celle du riz ; enfin, pour sensibiliser les jeunes à la richesse de leur culture, plusieurs troupes de danse traditionnelle ont été montées dans différents villages.
Un programme à destination des malades a parallèlement été mis en place ; il vient en aide aux plus pauvres qui n'ont pas accès aux soins dans un pays où, peut-être plus qu’ailleurs, tout passe par l’argent. Des frais de transport au règlement des soins hospitaliers, ce programme entend ainsi soutenir ceux à qui la vie n’a pas fait de cadeau.
Il y a également d’autres programmes, plus ou moins ponctuels, plus ou moins localisés, dont le seul but est de pratiquer la justice. En ce sens, les projets socio-éducatifs mis en place par l’Église participent au développement du Cambodge.
- En quoi la mission participe-t-elle à ce projet ?
La comptabilité, dans le sens où c’est elle qui permet le contrôle des mouvements financiers propres à chaque programme, est une étape nécessaire au projet. Les rapports financiers sur l’utilisation des fonds sont très souvent une clause des différents contrats - fussent-ils moraux - qui nous lient à nos donateurs. Nous sommes tenus de les faire, sinon par obligation, du moins par correction. Il faut bien le reconnaître : sans les aides de l’étranger, nos activités seraient réduites à néant. En ce sens, l’aspect comptable de ma mission a participé aux différents projets d’aide et de développement développés par la Préfecture apostolique de Kompong Cham. La recherche de financeurs passant par la réalisation de dossiers de demandes de fonds auprès d’organismes susceptibles de nous supporter est également une étape importante pour assurer la pérennité de nos activités.
Sur un autre registre (dans une moindre mesure ?), les cours de langues et plus particulièrement le cours d’anglais à Phum Thmey participent eux aussi au développement du Cambodge. Donner le goût de l’étude à des élèves confrontés à une école qui mise moins sur le savoir et la connaissance que sur la statistique pourrait bien me blanchir d’inutilité. Mais plus encore, je vois mon cours d’anglais comme une activité gratuite proposée à des gamins trop souvent prisonniers de leur pauvreté. Extirper les enfants à leur désœuvrement est, je crois, le meilleur moyen, pour ne pas dire le seul, de leur faire voir autre chose que la vie domestique, qui dans leur monde de subsistance ne leur fait généralement pas de cadeau et ne leur offre aucun extra.
- Commentaires :
« Se donner du mal pour les petites choses, c’est parvenir aux grandes avec le temps » [Samuel Beckett].
« L’intelligence ne vaut qu’au service de l’amour » [Antoine de Saint-Exupéry].
LE POSTE
- La mission opérationnelle (tâches/ organisation/ rythme de travail) :
Inquiet au départ sur l’apparent manque d’activités, j’ai vite constaté que j’avais en fait largement de quoi m’occuper. Déjà parce que les rapports et autres dossiers m’ont pris pas mal de temps, mais aussi parce que dès le début du mois d’octobre 2007, on m’a demandé si je pouvais dispenser un cours d’anglais à Phum Thmey. Ma journée-type s’est ainsi rapidement organisée :
- 6h30 : lever.
- 7h : prière.
- 7h15 : petit-déjeuner.
- 8h : bureau.
- 12h : déjeuner.
- 13H30 : bureau.
- 15h30 : départ pour Phum Thmey.
- 16h : cours d’anglais.
- 18h30 : retour.
- 19h : dîner.
Notons que j’ai donné un cours de français pendant deux mois, le matin à 8h. Par ailleurs, et comme le bureau était sur place, je pouvais m’organiser un peu à ma guise, au risque de travailler très souvent après le dîner.
Que dire de plus sur ce point ? Un mot simplement : plus le bureau était ouvert, mieux c’était. Et pour cause : bien (trop ?) souvent sans crier gare, les responsables des programmes venait y retirer l’argent nécessaire à leurs activités ; en quelque sorte, nous faisions office de banque interne à l’Église. Voilà un point qui m’autorise à ajouter quelques mots sur l’aspect bancaire de ma mission : toute l’année durant, j’ai veillé à placer à un taux aussi intéressant que possible l’argent que nous avions à notre disposition, afin de le faire fructifier et de pouvoir par la suite mettre les intérêts perçus au service des plus pauvres.
- Les enjeux du poste :
Les principaux enjeux du poste étaient le suivi des différents contrats qui nous lient à nos financeurs. Bien souvent, ceux-ci ont été signés pour une durée de deux ou trois ans, avec pour condition un rapport financier annuel. Il m’a donc au début fallu reprendre le flambeau laissé sur place par mes prédécesseurs et ainsi apprendre à manier la barre. De son côté, Primprey, ma collègue à la comptabilité, s’occupait principalement de la saisie, ce qui l’occupait à plein-temps. L’efficacité de notre collaboration était en ce sens elle aussi un enjeu de ma mission.
La recherche de nouveaux financeurs était elle aussi indispensable : sans financeur, pas d’argent ; sans argent, pas de projet.
Enfin, s'agissant de mon cours d’anglais, l’enjeu était d’intéresser les élèves et de leur donner le goût de la langue. Si je n’ai pas eu un seul instant la prétention de pouvoir leur faire maîtriser l’anglais, j’ai essayé de les faire entrer un tant soit peu dans une logique linguistique qui n’est pas la leur et de leur montrer que l’étude est le seul secret pour passer de l’ignorance à la connaissance. Le succès de mon cours d’anglais à Phum Thmey reste la grande satisfaction de mon volontariat.
- Quelles difficultés avez-vous rencontrées ? Comment les avez-vous surmontées ?
Dans le temps, et comme sans doute tout un chacun, l’adaptation a été la première difficulté de mon volontariat. Parachuté à Kompong Cham, j’ai eu au départ beaucoup de mal à me faire à l’idée que j’allais y rester un an, pensant même un moment à rentrer prématurément. Néanmoins, je l’ai dit plus haut, le temps qui passe m’a appris à prendre sur moi dans les moments difficiles. Je me suis peu à peu fait au rythme très communautaire de l’évêché de Kompong Cham, au point d’en savourer parfois les intérêts par rapport à ma vie de célibataire parisien. Une autre difficulté a été que je me suis parfois senti un peu seul, au milieu de ces prêtres de toutes nationalités et de tous ces Cambodgiens. Difficile à Kompong Cham de se faire des amis au sens où nous l’entendons traditionnellement.
Il n’empêche, au final, s’il y a bien eu des jours où j’en ai eu ras-le-bol, s’il y a bien des périodes de lassitude constante, j’ai passé une bonne année de volontariat, sans difficulté particulière qui mériterait que l'on s'y attardât.
- Les motivations du recrutement d’un volontaire expatrié par rapport à un employé local :
Comme je l’ai dit plus haut, je partageais mon bureau avec une employée locale : Primprey. Toute la comptabilité de la Préfecture apostolique ne repose donc pas sur le volontaire expatrié ; c’est là je crois une grande sagesse. En revanche, il est vrai que Primprey n’aurait pas assez de temps pour faire tout toute seule et qu’elle a réellement besoin d’un collaborateur sur place. Ne serait-ce que pour les rapports financiers, qui ne sont pas encore très évidents pour elle. Au fur et à mesure, je tâchais de lui montrer les fruits de mon travail et de lui en expliquer la logique ; c’est sans doute cela la partie formation dont vous parlez dans le contenu de ma mission. Même chose pour les dossiers de demande de fonds : cela demande du temps. Je signale d’ailleurs, qu’à part un seul en français, tous ces documents sont à rédiger en anglais ; sans prétendre maîtriser parfaitement la langue de Shakespeare, il est vrai que je la connais un peu mieux que Primprey.
Évidemment, vous pourriez penser qu’un employé local bilingue en anglais suffirait bien à ce poste. Pourtant, dans l’immédiat, je ne le crois pas : plus que de l’assistance, je crois qu’il s’est agi cette année d’une véritable collaboration entre une employée locale et un volontaire expatrié. Ce sont ici deux parcours et deux mentalités très différentes qui ont travaillé ensemble, mettant l’un et l’autre leurs savoirs au service d’une cause qui leur tient à cœur (Primprey travaillait autrefois dans une autre structure où elle gagnait mieux sa vie : par conviction, elle a décidé de venir travailler pour l’Église catholique).
Par ailleurs, la présence d’un volontaire expatrié est je crois apprécié par les gens sur place. J’étais cette année le seul volontaire à être basé à Kompong Cham, et hormis sept prêtres de tous les continents ou presque, l’ensemble des employés de la Préfecture apostolique sont des Khmers. Mon souhait, naturellement, est qu’un jour l’Église du Cambodge, encore trop récente et trop petite pour s’assumer, soit entièrement khmérisée ; mais pour l’heure je ne prends pas pour superflue la présence de quelques volontaires expatriés. Ce qui incombe est qu’au final tous se mettent efficacement au service de ceux qui en ont besoin et plus globalement de la communauté des hommes.
- Le suivi de la mission...
... par le partenaire local :
Rien à redire : Mgr Susairaj habite sur place et je n’avais dans ces conditions aucune difficulté à l’entretenir du déroulement de ma mission.
... par l’association en France :
Rien à en redire de particulier non plus.
- Commentaires :
Sans vouloir prétendre avoir été indispensable, je crois que mon poste est à maintenir, du moins à court terme.
« Chacun est responsable de tous. Chacun est seul responsable. Chacun est seul responsable de tous. » [Antoine de Saint-Exupéry)
BILAN DE MISSION
- Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
Cf. plus haut.
- Pensez vous avoir répondu aux attentes du partenaire local ?
À peu près.
- Votre mission a-t-elle permis une évolution du projet ?
Une continuité plus qu’une évolution.
- Avez vous été remplacé par un volontaire ou un employé local ?
Un certain Hugues prend ma place à compter du 1er septembre. Une certaine Victoire assure d’ici là l’intérim.
- Quel bilan faites-vous de cette expérience de mission de volontariat ?
Bilan professionnel :
1) Immersion totale en Asie du Sud-est.
2) Comptabilité quotidienne d’une structure de 40 salariés.
3) Rapports financiers et demandes de fonds auprès d’organismes étrangers.
4) Activités annexes, dont un cours d’anglais dans un village (quotidien).
Bilan personnel :
Ma première satisfaction est d’être arrivé au bout de cette année de volontariat. Plus isolé sans doute que les autres VSI de Phnom Penh et d’ailleurs, j’ai souvent regretté cet isolement. Mais Kompong Cham n’est finalement pas si petit que ça ; on y trouve facilement de quoi vivre simplement sans pour autant manquer de quoi que ce soit.
Ma seconde satisfaction est de rentrer content d’avoir été à peu près utile pendant un an, au service des autres. Je me suis souvent demandé ce que je foutais là et si c’était vraiment constructif et pour les autres et pour moi. Avec un peu de recul, je m’autorise à penser que mon coup de main a été plutôt profitable à ceux qui m’ont accueilli.
Enfin, je me réjouis par avance de penser que toute ma vie restant j’aurai le souvenir de la coopération au Cambodge.
- Évaluation générale de la mission par une note de 1 à 10 (10 pour un bilan très positif) et explications:
Ma note : 7/10.
Pourquoi sept ? Déjà parce neuf ou dix auraient été exagérés, compte tenu que comme je le dis plus haut, il y a eu des périodes plus casse-pieds que d’autres, des moments où j’ai eu envie de tout foutre en l’air.
Huit est le point que je perds compte tenu de mes inefficacités ponctuelles : on ne peut pas être efficace tout le temps.
Moins de sept serait injuste, compte tenu que j’ai globalement passé une très bonne année et que les gens qui m’ont reçu l’ont fait avec gentillesse et dévouement.
- Commentaires :
« Être homme, c’est précisément être responsable. C’est sentir en posant sa pierre que l’on contribue à bâtir le monde » [Antoine de Saint-Exupéry, Terre des hommes].
LE RETOUR DE MISSION
- Comment se passe votre retour en France ?
Mon retour en France se passe pour le moment bien. S’il est vrai que j’étais un peu triste de quitter ma terre de mission tant en un an j’ai eu le temps d’y prendre mes marques et de m’habituer aux gens, je suis content de revoir ceux qui ici me sont chers.
Le risque - s’il en est – est maintenant de refermer la parenthèse que j’avais ouverte en arrivant l’année dernière à Kompong Cham et de reprendre la vie comme avant, le volontariat ne restant alors qu’un souvenir parmi d’autres.
- Quels sont vos projets professionnels suite à cette mission ?
Mon projet est dans l’immédiat de trouver un travail qui m’intéresse un minimum et dans lequel je puisse faire mes preuves en y faisant valoir malgré tout ce que le volontariat m’a apporté. Tant qu’à faire, je cherche un travail qui ne soit pas celui d’un parasite, mais réellement utile à la société des hommes.
- Souhaiteriez-vous un accompagnement spécifique ?
Si vous avez des idées et des contacts, je suis naturellement preneur.
- Commentaires :
Puissent ceux qui partent en volontariat en rentrer comme j’en suis rentré : content.
VIE DE FOI
- Est-ce que votre mission vous a permis de vivre votre foi sur place ?
Oui. Les messes étant dites sur place, je pouvais si je le souhaitais aller à la messe quasiment tous les jours. Chaque dernier vendredi du mois, j’allais à Phnom Penh pour « la messe des coopérants », précédée généralement d’un partage d’évangile.
- Avez-vous trouvé auprès des confrères Mep ou d’un autre prêtre la possibilité d’un suivi spirituel ?
Avec le Père Vogin, nous avons entrepris dès le début de ma coopération de nous rencontrer deux ou trois fois par semaine, avant la prière du matin, pour un partage d’évangile. Cela a duré six mois environ. J’apprécie beaucoup les partages d’évangiles : ils sont souvent l’occasion de débattre sur un point particulier du dogme ou de la foi.
- Quels ont été vos rapports avec l’Eglise locale ? Qu’avez-vous découvert de l’Eglise en Asie ou Océan Indien ?
Mes rapports avec l’Église locale ont été je l’espère ceux d’un fidèle parmi les fidèles. Ce que j’ai découvert au Cambodge est une Église encore faible mais heureusement bien rattachée à l’universalité de l’Église de Rome. En train de se chercher une voie, elle semble avoir choisir la voie de l’inculturation. Je lui souhaite que ce soit la bonne. Souvent, je me suis posé la question de notre place dans un pays qui n’est pas le nôtre et où le catholicisme reste qu’on le veuille ou non une religion exotique. Mais le travail d’une Église se mettant au service de ses hôtes m’a aidé à relativiser quant à une éventuelle intrusion au pays du Bouddha. Le message chrétien reste je crois bon pour l’homme et son humanité et le projet politique qui en découle ne peut qu’améliorer dans l’avenir un pays encore retourné par son histoire récente.
- Pensez-vous avoir apporté un témoignage de foi au cours de votre mission ? Si oui comment ? Si non pourquoi ?
Ma foi, s’il en est, je pourrais vous en parler des heures durant. Et pourtant, ô paradoxe ?, je ne sais pas très bien ce qu’elle est. Le temps qui passe m’a simplement offert de comprendre qu’elle est sans doute davantage une adhésion à un projet plus que la compréhension de concepts qui pour la plupart m’échappent encore, et m’échapperont peut-être toujours. Ce dont je suis certain, c’est que j’aime l’Église en tant que fruit d’une histoire riche et mouvementée, en tant qu’institution mondiale, et j’allais même dire en tant qu’Internationale tenant la route. Je reste convaincu que le projet proposé par le Christ est fondamentalement bon pour la société des hommes, société à laquelle je suis le plus certain d’appartenir.
Aussi, dans le sens où je me suis parfois battu contre moi-même pour me donner aux autres, je pense avoir apporté ce vous appelez un « témoignage de foi » ; de fait, je l’ai fait je crois au nom de mon appartenance à l’Église catholique. Du moins, il s’agit bien là du cadre dans lequel je suis parti en volontariat.
Au niveau de la piété dont cette question sous-entend sans doute qu’elle est aussi un « témoignage de foi », je ne saurais prétendre en avoir témoigné de manière particulière. J’y reviens : fidèle parmi les fidèles, je veillais à assister à la prière du matin et ne me suis jamais permis de sécher la messe dominicale.
- Votre mission a-t-elle été l’occasion pour vous de rencontrer davantage le Christ, d’approfondir votre foi ?
Pour réponse à cette question, je suis tenté de reprendre mot pour mot ce que j’ai répondu à la précédente. Néanmoins, je me sens poussé de préciser un peu quelle a pu être pour ma foi (s’il en est) cette année de volontariat. « Rencontrer davantage le Christ », dites-vous ; me voilà un peu perplexe face à un concept dont j’ai souvent bien du mal à me faire une idée claire. Si c’est du Christ en tant que Dieu parmi les hommes, en tant qu’incarnation et donc en tant que réalité terrestre dont vous parlez ici, je serais tenté de vous répondre par la positive. Oui, je suis entré peut-être plus en profondeur dans le monde qui m’entoure ; oui, en ce sens, j’ai rencontré davantage le Christ. Cependant, si c’est du Christ en tant que Dieu (tout court), je ne saurais tout simplement pas vous répondre. La transcendance, si je la crois de fait d'une manière ou d'une autre infuse à notre condition d’homme, m’apparaît encore bien trop mystérieuse pour être approfondie.
- Comment pensez-vous témoigner de cela à votre retour ?
Je pense témoigner de cela à mon retour dans la simplicité, sans particularisme ni artifice majeur. Je me souhaite simplement de continuer à être fidèle parmi les fidèles, à vivre mon appartenance à l’Église par la pratique régulière de ma religion.
RELATIONS AVEC LES MEP
- Que pensez-vous de la préparation au départ ?
D’une part, elle permet aux néophytes de se mettre dans les bains si singulier et si sympathique des Missions Étrangères de Paris. Ses nombreux intervenants apportent d’autre part à ceux qui vont partir quelques éléments de réponses aux questions qui pourraient les interpeller une fois arrivés sur leur terre de mission.
En ce sens, je pense de la préparation au départ qu’elle est intéressante et nécessaire.
- Que pensez-vous du suivi des volontaires sur le terrain assuré par les MEP à Paris ou bien par les confrères dans votre pays d’accueil ?
Je n’ai rien qui vaille à en redire. Seulement, je dirais que c’est également au volontaire de faire en sorte que son suivi soit bon : en donnant quelques signes de vie, il met sur ce point en particulier toutes les chances de son côté.
- Êtes-vous prêt à participer aux activités proposées par les MEP en France ?
Oui, dans une certaine mesure.
- Êtes-vous prêt à témoigner de votre expérience de volontariat ?
Oui, dans une certaine mesure.
- En quoi votre expérience de volontariat a-t-elle transformé, orienté, converti votre vie quotidienne?
Cela fait à peine deux semaines que je suis rentré. Dans ces conditions, je ne saurais répondre honnêtement à cette question et vous propose d’en reparler au moins dans quelque temps.
Wednesday, June 25, 2008
Semaines 41,42, 43, 44 & 45 : Opération Phum Thmey.
Avant de commencer, je voudrais vous rapporter un article, trouvé dans Cambodge soir, un hebdomadaire francophone, et pour lequel je ne ferai pas de commentaire, hormis un, entre crochets dans le texte :
« Le fils d’un général ouvre le feu. Une enquête est en cours après le tir de plusieurs coups de feu, le 1er mai, à Phnom Penh. Ce soir là, une voiture de luxe [signe le plus criard de la corruption triomphante, on ne compte plus à Phnom Penh le nombre impressionnant de voitures de luxe du genre Lexus dernier-cri ou Hummer immatriculées RCAF – Royal Cambodian Armed Forces –] et une camionnette sont entrées en collision. De colère, le propriétaire du premier véhicule, le fils d’un général trois étoiles du ministère de la défense, a ouvert le feu sur la camionnette. Son chauffeur et son passager ont pu prendre la fuite sans être touchés. Selon les témoins, l’homme, en possession de quatre armes dont deux AK-47, a tiré une dizaine de balles. Les policiers arrivés sur place n’ont pas osé arrêter ce fils de général. Seuls les deux véhicules ont été emmenés au commissariat (…). »
- Début –
Dernière ligne droite. M’éloignant toujours plus du début, je commence à m’approcher grandement de la fin. Le mois prochain, je rentre au bercail. Ici, le temps m’est assez insupportable : il fait une chaleur à crever, avec un taux d’humidité qui l’est tout autant. Ça me démange et me fait regretter la saison sèche. Comme chante si bien Gaëtan Roussel, "ça m’gratte partout tout l’temps". Pendant ce temps-là, à deux cents mètres d’ici (je suis dans mon bureau), le Mékong continue de se remplir ; les fonds sablonneux du fleuve sont maintenant immergés ; les ponts de bambous ont été démontés ; les eaux sont devenues boueuses. Bref. Je passe à mon blabla, dont on ne sait plus s’il hebdomadaire, bimensuel, mensuel ou que sais-je encore. Quoiqu’il soit, il est.
Comme dans ma dernière chronique, je vais suivre sagement le calendrier.
Lundi 19 mai : c’est l’anniversaire du Bouddha ; comme Noël chez nous, c’est férié. J’en profite pour aller faire faire un tour du coin à Ronan, arrivé la veille, et dont je vous parlais la dernière fois. Nous allons au Vat Nokor, le temple angkorien jouxtant Kompong Cham, puis nous passons à la piste des B-52.
Élément du Vat Nokor.
Avec Ronan, près de la piste des B-52.
Mardi 20 mai : bureau + RAS
Mercredi 21 mai : En fin de journée, j’emmène Ronan à Han Chey, la montagne monastère située à une vingtaine de kilomètres en amont du Mékong. La vue y est toujours aussi grandiose :
Jeudi 22 mai : RAS.
Vendredi 23 mai : Ronan, reposé, quitte Kompong Cham, et continue sa route vers le Laos, avant de s’envoler pour l’Australie dans quelques semaines.
Samedi 24 mai : le P. Gérald et Mgr rentrent de Sihanouk où ils avaient une grande réunion presbytérale toute la semaine.
Dimanche 25 mai : Messe. Projection du film chinois Elixir of love, réalisé en 2004 par Riley Yip Kam-Hung, et qui raconte la passionnante histoire d’un empereur en quête de l’élixir qui soignera sa fille unique qui pue, du fait d’une mystérieuse maladie…
Lundi 26 mai : RAS.
Mardi 27 mai : Thibault, le nouveau coopérant de Prey Vêng, arrivé la semaine dernière pour trois mois, passe en coup de vent avec Damo pour repérer les lieux.
Mercredi 28 & jeudi 29 mai : RAS.
Vendredi 30 mai : départ pour Phnom Penh, et la messe mensuelle des coopérants. Pour une fois, elle n’a pas lieu à la maison des coopérants, mais chez le P. François-Xavier, à l’autre bout de la ville. Le traditionnel partage d’évangile est ce soir étrangement silencieux ; le texte retenu (celui du dimanche - Mt, 11, 25-30) n’inspire apparemment pas les foules. Dans la foulée de la messe, nous dînons à coups de chili con carne et autres plats bien locaux, avant de filer pour quelques uns d’entre nous au Memphis, le bar-club du Quai Sisowath.
Samedi 31 mai : je fais faire un tour de Phnom Penh à Thibault, avec les étapes qui me sont maintenant traditionnelles : le marché central (qui va être restauré), le Sorya, le Vat Ounalom et sa relique du cil du Bouddha, Up to you, etc.
La Poste de Phnom Penh.
Dans le marché central.
Les toits du Palais Royal depuis le Sorya.
Le marché central depuis le Sorya.
Au Vat Ounalom, la statue reliquaire du cil du Bouddha.
Le Musée national.
Devant le Palais Royal.
L’Assemblée Nationale.
Le soir, nous dînons avec Laurent (volontaire MEP) et Cécile (stagiaire à la banque nationale) du côté du Palais Royal avant d’aller enterrer la journée avec une tripotée de Lyonnais dans un bar à expats (les autres compères MEP sont en camp scout dans le sud du pays).
Dimanche 1er juin : je rentre de bonne heure à Kompong Cham pour terminer un rapport pour que Mgr puisse l’embarquer demain pour Paris (dimanche prochain, c’est la grand-messe à Notre-Dame pour les 350 ans des MEP).
De la semaine qui suit, à savoir la 43e de mon calendrier khmer, je ne retiendrai que le week-end des 7 et 8 juin, passé à Prey Vêng, dans la mission du Père Alberto (PIME) où je retrouve Damo et Thibault. Samedi, nous filons vers Cheung Phnom, une montagne monastère qui domine toute la région de Neak Lueung, à une trentaine de kilomètres au sud de Prey Vêng. De là-haut, la vue est splendide. Le kitch des bâtiments du monastère bat tous les records : ici, un oiseau en béton de quatre mètres de diamètre nous projette un temps au Pays des merveilles, là, un temple-meringue bariolé de couleurs fluo me rappelle la maison de la sorcière dans Hansel et Gretel. Dimanche matin, après la messe, nous filons à quelques uns dans un village à une trentaine de kilomètres de Prey Vêng, pour y couper les ongles et épouiller toute une troupe de bambins venus de part et d’autre de ce coin de bout du monde. Peut-être cela rappelle-t-il quelque chose aux plus assidus d’entre vous ; de fait, l’endroit ne m’était pas inconnu : j’y avais déjà œuvré en novembre (lire ici). Retour à Prey Vêng vers 13h30.
Le bout du monde.
File d'attente pour se faire couper les ongles.
En rentrant du bout du monde.
Après un déjeuner vite avalé, me voilà sur la route du retour, avec comme passager arrière James, le séminariste coréen installé à l’évêché pour quatre mois, et qui était aussi de la partie ce week-end. Pour une fois, au lieu de rentrer par la RN 11 à travers les plantations d’hévéas, nous tournons à gauche à Oreang Ov, le gros bourg à mi-chemin entre Prey Vêng et Kompong Cham. D’après la carte, une piste longe par ici le Mékong, et rattrape la RN7 au niveau du pont de Kompong Cham. Bingo : sans jamais s’éloigner du fleuve, la piste arborée zigzague entre maisons traditionnelles, rivières et pagodes, et débouche, une heure et demie plus loin, sur la tour cham, juste en face de Kompong Cham.
La tour cham.
Par une des fenêtres de la tour cham.
Vue depuis la tour cham.
Le pont de Kompong Cham, le seul à enjamber le Mékong au Cambodge.
Zoom sur le pont, depuis la tour cham.
Notre moto, d’en haut.
L’antre de la tour cham.
Ce soir, pour la séance ciné, c’est particulier : les jeunes des centres sont en révision, du coup il n’y a que trois spectateurs pour regarder : 1) le film de l’enterrement du mari de Sokchear la cuisinière, mort du sida il y a deux ou trois ans (les trois spectateurs sont Sokchear elle-même, et ses deux jeunes enfants…). 2) un dessin animé sur Saint François Xavier, en khmer.
Lundi 9 juin : à Phum Thmey, grosse arrivée d’élèves. Alors que nous n’étions presque plus à mes cours d’Anglais (depuis la pause du nouvel an khmer, les uns et les autres avaient eu du mal à s’y remettre), Phat a déniché partout aux alentours de nouveaux élèves. Âgés d’une dizaine d’année, ils sont pour la plupart débutants. Nous reprenons à la lettre "A", tandis que je continue à faire un peu de vocabulaire avec les plus grands.
Mardi 10 juin : il y a aujourd’hui une quarantaine d’élèves à se presser sur les bancs de la classe, tirant la langue pour recopier un B, un C, un D, en majuscule, en minuscule, et en "Times new roman". "A Apple, B Book, C Car, D Door" : "tatam !" ("répéter" en khmer)…. Tous hurlent à s’égosiller, dans une cacophonie générale.
Mercredi 11 juin : même scénario, avec E, F, G, et H, et un peu plus de monde encore.
Jeudi 12 juin : je prends un lân touri à 6 h, direction Phnom Penh et la maison de coopérants pour donner un coup de main à mes compères pour le déménagement. Et pour cause (et vous l’aurez compris) : nous changeons de maison, le propriétaire l’ayant mise dernièrement en vente. Après une matinée à porter des meubles en rotin (il y en a un bon nombre) et à entasser des trucs et des machins dans tout ce qui peut servir à entasser (draps, fait-tout, corbeilles, bassines, etc.), nous mettons le cap sur Claire amitié pour le déjeuner. Cette organisation catholique s’occupe notamment des femmes ouvrières des usines de Phnom Penh et de ses alentours. Nous sommes reçus comme des pachas, en compagnie, entre autres, d’un journaliste de RCF venu faire un reportage sur l’Eglise du Cambodge. L’après-midi, nous remplissons un dernier camion, et installons enfin la nouvelle maison. Et quelle maison ! Certes un peu plus éloignée du centre-ville que la précédente, elle n’en demeure pas moins beaucoup plus agréable. Dans son jardin arboré de quelques palmiers, elle n’a rien à voir avec le casier chinois que nous avions jusque-là (ndlr: les Chinois construisent partout dans Phnom Penh des maisons tout en hauteur, les unes à côté des autres, et communément appelées "casiers chinois"). Le soir, sans pendre pour autant la crémaillère, nous nous empiffrons de saucissons rapportés par Philibert de Paris, où il est allé passer cette semaine un oral pour l’année prochaine (il a d’ailleurs été reçu). Cinq d’entre nous allons terminer la soirée à la Gazolina, un bar en plein air quelque part dans Phnom Penh, autour d’une partie de tarot.
Vendredi 13 juin : je m’en retourne à Kompong Cham pour mon cours d’Anglais, avancé à 15h30. Dans la soirée, je tente enfin le koryo soojichim, manuthérapie traditionnelle coréenne, dont James (voir plus haut) tient une séance chaque soir où il y a des candidats. Dans un premier temps, à l’aide d’un appareil électronique, l’apprenti médecin mesure votre tension en différents points sur vos mains. Des chiffres qui s’affichent sur l’écran lui permettent de placer là où il faut des sortes de petites pastilles, que l’on allume et laisse se consumer pendant environ cinq minutes. On renouvelle ensuite l’opération deux fois sur la main droite, et trois fois sur la main gauche. C’est transit.
Samedi 14 juin : Thibault arrive de Prey Vêng. Dans l’après-midi, après un passage à la tour cham, nous faisons une balade en moto le long du Mékong, pour y trouver une vieille pagode indiquée il y a quelque temps déjà par le P. Gérald. Après quelques hésitations sur la route à prendre, nous trouvons enfin ce qui semble être de fait une pagode plus ancienne que ses consœurs ; indice : dans l’entrebâillement de la porte cadenassée, nous pouvons voir que les piliers de soutènement sont en bois, alors qu’ils sont généralement en béton (ndlr: on ne cesse au Cambodge de construire des pagodes, encore, toujours, et partout). Nous réussissons à nous faire ouvrir la porte : ça sent le grenier de mon enfance et ce n’est guère plus propre ; les peintures sont superbes.
Dans la vieille pagode.
Dans un hamac, au bord du Mékong.
Après un passage à Vat Nokor (voir plus haut), nous retrouvons Laurent, ledit volontaire MEP à Wat Champa venu me faire une visite ce week-end. Dîner avec Mgr rentré de Paris, avant une séance de koryo soojichim et un saut chez Franck, le Rennais qui tient un des deux bars de Kompong Cham.
Dimanche 15 juin : messe à 7 h. J’ai la crève. Vive la médecine traditionnelle. L’appel du ventre me fera quand même aller jusque chez Franck pour une crêpe au chocolat. Au retour, ascension de la tour cham (Laurent ne la connaissait pas).
Avec Laurent, sur la tour cham.
Le soir, projection de Titanic, en khmer, pour les jeunes des deux centres. Comme c’est long, nous continuerons la semaine prochaine. "J’ai toujours la crève" sera le mot de la fin pour ma 44e semaine.
Lundi 16 juin : je suis raplapla. Laurent et Thibault s’en retournent dans leurs chez lui respectifs. Dans l’après-midi, mon cours d’Anglais connaît une affluence record. Il y a aujourd’hui une cinquantaine d’élèves. C’est le bocson. Je leur ai fait des photocopies, pour qu’ils recopient les lettres, en majuscules et en minuscules ; sans ça, ils ne savent pas où placer la lettre par rapport à la ligne. J’en fais passer quelques uns au tableau.
"C'est le bocson."
"J’en fais passer quelques uns au tableau."
Sortie de cours.
Ma classe, vide.
Mardi 17 juin : RAS, hormis que nous approchons maintenant la soixantaine d’élèves à mon cours d’Anglais.
Mercredi 18 juin : à Phum Thmey, la liste s’est encore allongée : il n’y a même plus assez de place pour tout le monde. De Sréï Lânh à Tchénda, de Sokla à Boraï, de Sokléï à Vitchera, en passant par Thari, Mégn Hou, Ö Ang ou Rotham, je m’y perds, d’autant qu’il y a parfois deux ou trois enfants à porter le même prénom, garçons et filles mélangés. Dans un coin, deux jumelles à la ressemblance confondante me font perdre tout espoir de savoir qui est qui avant mon départ. Ici, les uns récitent à tue-tête l’alphabet, là, les autres papotent avec leurs voisins, tandis que les plus sages se mettent à chahuter. Mais tous ont l’air ravis de l’expérience, moi le premier. Nous en sommes à la lettre P.
Sréï Notch et Sréï Netch.
Jeudi 19 juin : pris quelque peu par le temps, je laisse Phat aller tenir le cours d’Anglais, m’engageant à y aller demain.
Vendredi 20 juin : à Phum Thmey toujours, l’affluence ne décroît pas. Nous attaquons Q, R, S et T. Pour un Khmer, dont la langue ne contient pas le son "FFFF", je m’aperçois que prononcer différemment le F et le S relève de la gageure : nous nous attelons un quart d’heure à la tâche, avec un demi-succès au final. En fin de cours, sans savoir ce qui m’a pris, je lance un "beusseun néa tchang, knaï atèt, néa at mao neu tini maeu pi dombaï légn", id est : "si vous voulez, dimanche, vous pouvez venir ici à 14 h pour jouer". Advienne que pourra. À l’évêché, je retrouve Thibault, arrivé dans l’après-midi de Prey Vêng. En soirée, comme à l’habitude, nous allons boire une binouze chez Franck, et y profitons du gâteau d’anniversaire de deux des membres du staff de Médecins Sans Frontières de Kompong Cham.
Samedi 21 juin : en fin d’une matinée bien agitée au bureau, je fais faire un tour à Thibault du côté de ce que j’appelle communément "la piste des B-52". En début d’après-midi, le Père Alberto (curé milanais de Prey Vêng) nous invite à prendre un pot chez ledit Franck, avant de regagner ses quartiers accompagné de Thibault.
La vue, de chez Franck.
Dans l’après-midi, passage plus ou moins éclair à Phum Thmey où je reçois un coup de pression après que le Père François m’a dit que tous les gamins du village attendent demain 14h avec impatience. S’ils sont 70 à mon cours, combien seront-ils demain pour jouer ? Que n’ai-je pas dit jeudi ? À quelques uns, nous réfléchissons sur le comment les occuper. Verdict : trois équipes, trois couleurs, et des jeux (relais, attrapage de foulards, tir à la corde). Là encore, advienne que pourra.
Dimanche 22 juin : messe à 7 heures, avec quatre nouvelles têtes, de passage (quatre étudiants-Centraliens venus donner un coup de main pour un bon mois à la Caritas Internationalis, qui nous loue ici des bureaux, à deux pas de l’évêché). Je fais ensuite le tour des marchés de Kompong Cham (il y en a deux) pour acheter le matériel nécessaire aux jeux de l’après-midi : corde, tissu, ballons de baudruche, etc. À 13h, le P. François passe me prendre en voiture, direction Phum Thmey. En chemin, nous nous arrêtons acheter de quoi désaltérer tout le monde. 13h45 : nous voilà à bon port, et il y a déjà foule. À 14 h, nous pouvons commencer : trois équipes de vingt-huit, vingt-huit et vingt-neuf ; il y a là une bonne partie de la classe d’âge 9-13 ans du village. Avec la vingtaine d’enfants trop jeunes pour participer aux jeux, avec les jeunes des centres venus nous donner un coup de main, et avec le staff de la paroisse, nous sommes plus de 120. Coup de chance en pleine saison des pluies : il ne pleut pas. Et voilà bientôt toutes ces chères têtes brunes alignées en rang d’oignons pour le top-départ. C’est la grande kermesse dans un joyeux bazar. Ça hurle et court partout. Tout le monde est ravi. Après un ramassage express des détritus, le goûter est le bienvenu. À 15h45, tout le monde est reparti, et à 16h30 tout est rangé. Je m’en retourne à Kompong Cham pour préparer comme convenu la projection de la suite de Titanic, prévue à 19h30. Ainsi s’achève ma 45e semaine cambodgienne : sur une des journées les plus réussies de ma coopération.
Les équipes se mettent en place.
Les équipes sont en place.
Le top-départ.
"Ça hurle et court partout."
Prêts pour le relais.
Spectateurs.
Tir à la corde.
But du jeu : exploser la ballon du voisin.
Rafraîchissement.
Où est Charlie ?
À ce point de ma chronique, peut-être vous demandez-vous encore quelle est la signification de son titre. Et pour cause : rien ne permet pour l’instant de le comprendre, du moins pas dans le sens où je l’entends. J’y viens.
L’"Opération Phum Thmey" est assez simple : elle consiste à lever des fonds pour la paroisse éponyme, où j’ai donné durant toute cette année des cours d’Anglais à des gamins trop souvent prisonniers, sinon de leur pauvreté, du moins de leur manque de moyens. Quel que soit leur montant, les fonds de l’"Opération Phum Thmey" seront injectés dans les frais de mise en place et de fonctionnement des activités venant en aide aux villageois (crèche et cours d’Anglais notamment), et permettront dans leurs limites de développer d’autres activités (ateliers, soutien et fournitures scolaires – il n’y a pas d’école dans le village -, sorties pédagogiques). Pour les enfants, ces activités sont bien souvent le meilleur moyen, pour ne pas dire le seul, de voir autre chose que la vie domestique, qui dans leur monde de subsistance ne leur fait généralement pas de cadeau, et ne leur offre aucun extra.
Vous pouvez participer dès aujourd’hui à cette opération, et jusqu’au 30 septembre 2008. La procédure à suivre est la suivante :
- Envoyer vos dons à "Opération Phum Thmey" / abs. Louis de Genouillac / 23, rue de la Bienfaisance / 75008 Paris.
- Les chèques sont à l’ordre du "Séminaire des Missions Étrangères".
- Si vous désirez recevoir un reçu fiscal, merci de me le préciser. Votre don ouvre droit à une réduction d’impôt de 66% de son montant dans la limite de 20% du revenu imposable.
Je vous remercie de joindre à votre participation vos coordonnées (E-mail ou adresse postale), afin que je puisse vous tenir informés du résultat de l’opération. Quel qu’il soit, votre don sera reçu avec reconnaissance à Phum Thmey.
Par avance, et au nom de tous les enfants à qui profitera l’opération, je vous remercie de votre générosité.
La pensée de la semaine : "L’intelligence ne vaut qu’au service de l’amour." [Antoine de Saint-Exupéry, Pilote de guerre, 1942].
Paix à la société des hommes.
Sönté phirp néï sang-kom monou.
« Le fils d’un général ouvre le feu. Une enquête est en cours après le tir de plusieurs coups de feu, le 1er mai, à Phnom Penh. Ce soir là, une voiture de luxe [signe le plus criard de la corruption triomphante, on ne compte plus à Phnom Penh le nombre impressionnant de voitures de luxe du genre Lexus dernier-cri ou Hummer immatriculées RCAF – Royal Cambodian Armed Forces –] et une camionnette sont entrées en collision. De colère, le propriétaire du premier véhicule, le fils d’un général trois étoiles du ministère de la défense, a ouvert le feu sur la camionnette. Son chauffeur et son passager ont pu prendre la fuite sans être touchés. Selon les témoins, l’homme, en possession de quatre armes dont deux AK-47, a tiré une dizaine de balles. Les policiers arrivés sur place n’ont pas osé arrêter ce fils de général. Seuls les deux véhicules ont été emmenés au commissariat (…). »
- Début –
Dernière ligne droite. M’éloignant toujours plus du début, je commence à m’approcher grandement de la fin. Le mois prochain, je rentre au bercail. Ici, le temps m’est assez insupportable : il fait une chaleur à crever, avec un taux d’humidité qui l’est tout autant. Ça me démange et me fait regretter la saison sèche. Comme chante si bien Gaëtan Roussel, "ça m’gratte partout tout l’temps". Pendant ce temps-là, à deux cents mètres d’ici (je suis dans mon bureau), le Mékong continue de se remplir ; les fonds sablonneux du fleuve sont maintenant immergés ; les ponts de bambous ont été démontés ; les eaux sont devenues boueuses. Bref. Je passe à mon blabla, dont on ne sait plus s’il hebdomadaire, bimensuel, mensuel ou que sais-je encore. Quoiqu’il soit, il est.
Comme dans ma dernière chronique, je vais suivre sagement le calendrier.
Lundi 19 mai : c’est l’anniversaire du Bouddha ; comme Noël chez nous, c’est férié. J’en profite pour aller faire faire un tour du coin à Ronan, arrivé la veille, et dont je vous parlais la dernière fois. Nous allons au Vat Nokor, le temple angkorien jouxtant Kompong Cham, puis nous passons à la piste des B-52.
Élément du Vat Nokor.
Avec Ronan, près de la piste des B-52.
Mardi 20 mai : bureau + RAS
Mercredi 21 mai : En fin de journée, j’emmène Ronan à Han Chey, la montagne monastère située à une vingtaine de kilomètres en amont du Mékong. La vue y est toujours aussi grandiose :
Jeudi 22 mai : RAS.
Vendredi 23 mai : Ronan, reposé, quitte Kompong Cham, et continue sa route vers le Laos, avant de s’envoler pour l’Australie dans quelques semaines.
Samedi 24 mai : le P. Gérald et Mgr rentrent de Sihanouk où ils avaient une grande réunion presbytérale toute la semaine.
Dimanche 25 mai : Messe. Projection du film chinois Elixir of love, réalisé en 2004 par Riley Yip Kam-Hung, et qui raconte la passionnante histoire d’un empereur en quête de l’élixir qui soignera sa fille unique qui pue, du fait d’une mystérieuse maladie…
Lundi 26 mai : RAS.
Mardi 27 mai : Thibault, le nouveau coopérant de Prey Vêng, arrivé la semaine dernière pour trois mois, passe en coup de vent avec Damo pour repérer les lieux.
Mercredi 28 & jeudi 29 mai : RAS.
Vendredi 30 mai : départ pour Phnom Penh, et la messe mensuelle des coopérants. Pour une fois, elle n’a pas lieu à la maison des coopérants, mais chez le P. François-Xavier, à l’autre bout de la ville. Le traditionnel partage d’évangile est ce soir étrangement silencieux ; le texte retenu (celui du dimanche - Mt, 11, 25-30) n’inspire apparemment pas les foules. Dans la foulée de la messe, nous dînons à coups de chili con carne et autres plats bien locaux, avant de filer pour quelques uns d’entre nous au Memphis, le bar-club du Quai Sisowath.
Samedi 31 mai : je fais faire un tour de Phnom Penh à Thibault, avec les étapes qui me sont maintenant traditionnelles : le marché central (qui va être restauré), le Sorya, le Vat Ounalom et sa relique du cil du Bouddha, Up to you, etc.
La Poste de Phnom Penh.
Dans le marché central.
Les toits du Palais Royal depuis le Sorya.
Le marché central depuis le Sorya.
Au Vat Ounalom, la statue reliquaire du cil du Bouddha.
Le Musée national.
Devant le Palais Royal.
L’Assemblée Nationale.
Le soir, nous dînons avec Laurent (volontaire MEP) et Cécile (stagiaire à la banque nationale) du côté du Palais Royal avant d’aller enterrer la journée avec une tripotée de Lyonnais dans un bar à expats (les autres compères MEP sont en camp scout dans le sud du pays).
Dimanche 1er juin : je rentre de bonne heure à Kompong Cham pour terminer un rapport pour que Mgr puisse l’embarquer demain pour Paris (dimanche prochain, c’est la grand-messe à Notre-Dame pour les 350 ans des MEP).
De la semaine qui suit, à savoir la 43e de mon calendrier khmer, je ne retiendrai que le week-end des 7 et 8 juin, passé à Prey Vêng, dans la mission du Père Alberto (PIME) où je retrouve Damo et Thibault. Samedi, nous filons vers Cheung Phnom, une montagne monastère qui domine toute la région de Neak Lueung, à une trentaine de kilomètres au sud de Prey Vêng. De là-haut, la vue est splendide. Le kitch des bâtiments du monastère bat tous les records : ici, un oiseau en béton de quatre mètres de diamètre nous projette un temps au Pays des merveilles, là, un temple-meringue bariolé de couleurs fluo me rappelle la maison de la sorcière dans Hansel et Gretel. Dimanche matin, après la messe, nous filons à quelques uns dans un village à une trentaine de kilomètres de Prey Vêng, pour y couper les ongles et épouiller toute une troupe de bambins venus de part et d’autre de ce coin de bout du monde. Peut-être cela rappelle-t-il quelque chose aux plus assidus d’entre vous ; de fait, l’endroit ne m’était pas inconnu : j’y avais déjà œuvré en novembre (lire ici). Retour à Prey Vêng vers 13h30.
Le bout du monde.
File d'attente pour se faire couper les ongles.
En rentrant du bout du monde.
Après un déjeuner vite avalé, me voilà sur la route du retour, avec comme passager arrière James, le séminariste coréen installé à l’évêché pour quatre mois, et qui était aussi de la partie ce week-end. Pour une fois, au lieu de rentrer par la RN 11 à travers les plantations d’hévéas, nous tournons à gauche à Oreang Ov, le gros bourg à mi-chemin entre Prey Vêng et Kompong Cham. D’après la carte, une piste longe par ici le Mékong, et rattrape la RN7 au niveau du pont de Kompong Cham. Bingo : sans jamais s’éloigner du fleuve, la piste arborée zigzague entre maisons traditionnelles, rivières et pagodes, et débouche, une heure et demie plus loin, sur la tour cham, juste en face de Kompong Cham.
La tour cham.
Par une des fenêtres de la tour cham.
Vue depuis la tour cham.
Le pont de Kompong Cham, le seul à enjamber le Mékong au Cambodge.
Zoom sur le pont, depuis la tour cham.
Notre moto, d’en haut.
L’antre de la tour cham.
Ce soir, pour la séance ciné, c’est particulier : les jeunes des centres sont en révision, du coup il n’y a que trois spectateurs pour regarder : 1) le film de l’enterrement du mari de Sokchear la cuisinière, mort du sida il y a deux ou trois ans (les trois spectateurs sont Sokchear elle-même, et ses deux jeunes enfants…). 2) un dessin animé sur Saint François Xavier, en khmer.
Lundi 9 juin : à Phum Thmey, grosse arrivée d’élèves. Alors que nous n’étions presque plus à mes cours d’Anglais (depuis la pause du nouvel an khmer, les uns et les autres avaient eu du mal à s’y remettre), Phat a déniché partout aux alentours de nouveaux élèves. Âgés d’une dizaine d’année, ils sont pour la plupart débutants. Nous reprenons à la lettre "A", tandis que je continue à faire un peu de vocabulaire avec les plus grands.
Mardi 10 juin : il y a aujourd’hui une quarantaine d’élèves à se presser sur les bancs de la classe, tirant la langue pour recopier un B, un C, un D, en majuscule, en minuscule, et en "Times new roman". "A Apple, B Book, C Car, D Door" : "tatam !" ("répéter" en khmer)…. Tous hurlent à s’égosiller, dans une cacophonie générale.
Mercredi 11 juin : même scénario, avec E, F, G, et H, et un peu plus de monde encore.
Jeudi 12 juin : je prends un lân touri à 6 h, direction Phnom Penh et la maison de coopérants pour donner un coup de main à mes compères pour le déménagement. Et pour cause (et vous l’aurez compris) : nous changeons de maison, le propriétaire l’ayant mise dernièrement en vente. Après une matinée à porter des meubles en rotin (il y en a un bon nombre) et à entasser des trucs et des machins dans tout ce qui peut servir à entasser (draps, fait-tout, corbeilles, bassines, etc.), nous mettons le cap sur Claire amitié pour le déjeuner. Cette organisation catholique s’occupe notamment des femmes ouvrières des usines de Phnom Penh et de ses alentours. Nous sommes reçus comme des pachas, en compagnie, entre autres, d’un journaliste de RCF venu faire un reportage sur l’Eglise du Cambodge. L’après-midi, nous remplissons un dernier camion, et installons enfin la nouvelle maison. Et quelle maison ! Certes un peu plus éloignée du centre-ville que la précédente, elle n’en demeure pas moins beaucoup plus agréable. Dans son jardin arboré de quelques palmiers, elle n’a rien à voir avec le casier chinois que nous avions jusque-là (ndlr: les Chinois construisent partout dans Phnom Penh des maisons tout en hauteur, les unes à côté des autres, et communément appelées "casiers chinois"). Le soir, sans pendre pour autant la crémaillère, nous nous empiffrons de saucissons rapportés par Philibert de Paris, où il est allé passer cette semaine un oral pour l’année prochaine (il a d’ailleurs été reçu). Cinq d’entre nous allons terminer la soirée à la Gazolina, un bar en plein air quelque part dans Phnom Penh, autour d’une partie de tarot.
Vendredi 13 juin : je m’en retourne à Kompong Cham pour mon cours d’Anglais, avancé à 15h30. Dans la soirée, je tente enfin le koryo soojichim, manuthérapie traditionnelle coréenne, dont James (voir plus haut) tient une séance chaque soir où il y a des candidats. Dans un premier temps, à l’aide d’un appareil électronique, l’apprenti médecin mesure votre tension en différents points sur vos mains. Des chiffres qui s’affichent sur l’écran lui permettent de placer là où il faut des sortes de petites pastilles, que l’on allume et laisse se consumer pendant environ cinq minutes. On renouvelle ensuite l’opération deux fois sur la main droite, et trois fois sur la main gauche. C’est transit.
Samedi 14 juin : Thibault arrive de Prey Vêng. Dans l’après-midi, après un passage à la tour cham, nous faisons une balade en moto le long du Mékong, pour y trouver une vieille pagode indiquée il y a quelque temps déjà par le P. Gérald. Après quelques hésitations sur la route à prendre, nous trouvons enfin ce qui semble être de fait une pagode plus ancienne que ses consœurs ; indice : dans l’entrebâillement de la porte cadenassée, nous pouvons voir que les piliers de soutènement sont en bois, alors qu’ils sont généralement en béton (ndlr: on ne cesse au Cambodge de construire des pagodes, encore, toujours, et partout). Nous réussissons à nous faire ouvrir la porte : ça sent le grenier de mon enfance et ce n’est guère plus propre ; les peintures sont superbes.
Dans la vieille pagode.
Dans un hamac, au bord du Mékong.
Après un passage à Vat Nokor (voir plus haut), nous retrouvons Laurent, ledit volontaire MEP à Wat Champa venu me faire une visite ce week-end. Dîner avec Mgr rentré de Paris, avant une séance de koryo soojichim et un saut chez Franck, le Rennais qui tient un des deux bars de Kompong Cham.
Dimanche 15 juin : messe à 7 h. J’ai la crève. Vive la médecine traditionnelle. L’appel du ventre me fera quand même aller jusque chez Franck pour une crêpe au chocolat. Au retour, ascension de la tour cham (Laurent ne la connaissait pas).
Avec Laurent, sur la tour cham.
Le soir, projection de Titanic, en khmer, pour les jeunes des deux centres. Comme c’est long, nous continuerons la semaine prochaine. "J’ai toujours la crève" sera le mot de la fin pour ma 44e semaine.
Lundi 16 juin : je suis raplapla. Laurent et Thibault s’en retournent dans leurs chez lui respectifs. Dans l’après-midi, mon cours d’Anglais connaît une affluence record. Il y a aujourd’hui une cinquantaine d’élèves. C’est le bocson. Je leur ai fait des photocopies, pour qu’ils recopient les lettres, en majuscules et en minuscules ; sans ça, ils ne savent pas où placer la lettre par rapport à la ligne. J’en fais passer quelques uns au tableau.
"C'est le bocson."
"J’en fais passer quelques uns au tableau."
Sortie de cours.
Ma classe, vide.
Mardi 17 juin : RAS, hormis que nous approchons maintenant la soixantaine d’élèves à mon cours d’Anglais.
Mercredi 18 juin : à Phum Thmey, la liste s’est encore allongée : il n’y a même plus assez de place pour tout le monde. De Sréï Lânh à Tchénda, de Sokla à Boraï, de Sokléï à Vitchera, en passant par Thari, Mégn Hou, Ö Ang ou Rotham, je m’y perds, d’autant qu’il y a parfois deux ou trois enfants à porter le même prénom, garçons et filles mélangés. Dans un coin, deux jumelles à la ressemblance confondante me font perdre tout espoir de savoir qui est qui avant mon départ. Ici, les uns récitent à tue-tête l’alphabet, là, les autres papotent avec leurs voisins, tandis que les plus sages se mettent à chahuter. Mais tous ont l’air ravis de l’expérience, moi le premier. Nous en sommes à la lettre P.
Sréï Notch et Sréï Netch.
Jeudi 19 juin : pris quelque peu par le temps, je laisse Phat aller tenir le cours d’Anglais, m’engageant à y aller demain.
Vendredi 20 juin : à Phum Thmey toujours, l’affluence ne décroît pas. Nous attaquons Q, R, S et T. Pour un Khmer, dont la langue ne contient pas le son "FFFF", je m’aperçois que prononcer différemment le F et le S relève de la gageure : nous nous attelons un quart d’heure à la tâche, avec un demi-succès au final. En fin de cours, sans savoir ce qui m’a pris, je lance un "beusseun néa tchang, knaï atèt, néa at mao neu tini maeu pi dombaï légn", id est : "si vous voulez, dimanche, vous pouvez venir ici à 14 h pour jouer". Advienne que pourra. À l’évêché, je retrouve Thibault, arrivé dans l’après-midi de Prey Vêng. En soirée, comme à l’habitude, nous allons boire une binouze chez Franck, et y profitons du gâteau d’anniversaire de deux des membres du staff de Médecins Sans Frontières de Kompong Cham.
Samedi 21 juin : en fin d’une matinée bien agitée au bureau, je fais faire un tour à Thibault du côté de ce que j’appelle communément "la piste des B-52". En début d’après-midi, le Père Alberto (curé milanais de Prey Vêng) nous invite à prendre un pot chez ledit Franck, avant de regagner ses quartiers accompagné de Thibault.
La vue, de chez Franck.
Dans l’après-midi, passage plus ou moins éclair à Phum Thmey où je reçois un coup de pression après que le Père François m’a dit que tous les gamins du village attendent demain 14h avec impatience. S’ils sont 70 à mon cours, combien seront-ils demain pour jouer ? Que n’ai-je pas dit jeudi ? À quelques uns, nous réfléchissons sur le comment les occuper. Verdict : trois équipes, trois couleurs, et des jeux (relais, attrapage de foulards, tir à la corde). Là encore, advienne que pourra.
Dimanche 22 juin : messe à 7 heures, avec quatre nouvelles têtes, de passage (quatre étudiants-Centraliens venus donner un coup de main pour un bon mois à la Caritas Internationalis, qui nous loue ici des bureaux, à deux pas de l’évêché). Je fais ensuite le tour des marchés de Kompong Cham (il y en a deux) pour acheter le matériel nécessaire aux jeux de l’après-midi : corde, tissu, ballons de baudruche, etc. À 13h, le P. François passe me prendre en voiture, direction Phum Thmey. En chemin, nous nous arrêtons acheter de quoi désaltérer tout le monde. 13h45 : nous voilà à bon port, et il y a déjà foule. À 14 h, nous pouvons commencer : trois équipes de vingt-huit, vingt-huit et vingt-neuf ; il y a là une bonne partie de la classe d’âge 9-13 ans du village. Avec la vingtaine d’enfants trop jeunes pour participer aux jeux, avec les jeunes des centres venus nous donner un coup de main, et avec le staff de la paroisse, nous sommes plus de 120. Coup de chance en pleine saison des pluies : il ne pleut pas. Et voilà bientôt toutes ces chères têtes brunes alignées en rang d’oignons pour le top-départ. C’est la grande kermesse dans un joyeux bazar. Ça hurle et court partout. Tout le monde est ravi. Après un ramassage express des détritus, le goûter est le bienvenu. À 15h45, tout le monde est reparti, et à 16h30 tout est rangé. Je m’en retourne à Kompong Cham pour préparer comme convenu la projection de la suite de Titanic, prévue à 19h30. Ainsi s’achève ma 45e semaine cambodgienne : sur une des journées les plus réussies de ma coopération.
Les équipes se mettent en place.
Les équipes sont en place.
Le top-départ.
"Ça hurle et court partout."
Prêts pour le relais.
Spectateurs.
Tir à la corde.
But du jeu : exploser la ballon du voisin.
Rafraîchissement.
Où est Charlie ?
À ce point de ma chronique, peut-être vous demandez-vous encore quelle est la signification de son titre. Et pour cause : rien ne permet pour l’instant de le comprendre, du moins pas dans le sens où je l’entends. J’y viens.
L’"Opération Phum Thmey" est assez simple : elle consiste à lever des fonds pour la paroisse éponyme, où j’ai donné durant toute cette année des cours d’Anglais à des gamins trop souvent prisonniers, sinon de leur pauvreté, du moins de leur manque de moyens. Quel que soit leur montant, les fonds de l’"Opération Phum Thmey" seront injectés dans les frais de mise en place et de fonctionnement des activités venant en aide aux villageois (crèche et cours d’Anglais notamment), et permettront dans leurs limites de développer d’autres activités (ateliers, soutien et fournitures scolaires – il n’y a pas d’école dans le village -, sorties pédagogiques). Pour les enfants, ces activités sont bien souvent le meilleur moyen, pour ne pas dire le seul, de voir autre chose que la vie domestique, qui dans leur monde de subsistance ne leur fait généralement pas de cadeau, et ne leur offre aucun extra.
Vous pouvez participer dès aujourd’hui à cette opération, et jusqu’au 30 septembre 2008. La procédure à suivre est la suivante :
- Envoyer vos dons à "Opération Phum Thmey" / abs. Louis de Genouillac / 23, rue de la Bienfaisance / 75008 Paris.
- Les chèques sont à l’ordre du "Séminaire des Missions Étrangères".
- Si vous désirez recevoir un reçu fiscal, merci de me le préciser. Votre don ouvre droit à une réduction d’impôt de 66% de son montant dans la limite de 20% du revenu imposable.
Je vous remercie de joindre à votre participation vos coordonnées (E-mail ou adresse postale), afin que je puisse vous tenir informés du résultat de l’opération. Quel qu’il soit, votre don sera reçu avec reconnaissance à Phum Thmey.
Par avance, et au nom de tous les enfants à qui profitera l’opération, je vous remercie de votre générosité.
La pensée de la semaine : "L’intelligence ne vaut qu’au service de l’amour." [Antoine de Saint-Exupéry, Pilote de guerre, 1942].
Paix à la société des hommes.
Sönté phirp néï sang-kom monou.
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